Une étude sur les connaissances des étudiants entrant au premier cycle dans les universités québécoises démontre que les nouveaux étudiants sont plutôt mal outillés pour répondre à leurs besoins en recherche documentaire.
Ce document, publié au mois d’août 2003, sous l’égide de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), souligne que «les résultats obtenus confirment que bon nombre d’étudiants semblent mal connaître ou ne pas connaître du tout les éléments de base du processus de recherche documentaire».
Trois mille étudiants de premier cycle issus de 15 universités québécoises ont été interrogés par questionnaire. Le but de l’étude était de «vérifier la maîtrise des connaissances de base requises pour effectuer un travail de recherche documentaire». Par exemple, il s’agissait de trouver la documentation concernant «l’effet des relations familiales sur les résultats scolaires des élèves à l’école primaire». Il fallait isoler les trois concepts: la famille, les résultats scolaires et l’école primaire ainsi que leurs synonymes. Seulement 34,5 % des étudiants ont trouvé la bonne réponse à cette question. Trente-neuf pour cent des étudiants ont utilisé le mot «effet» dans leur démarche, lequel n’est pas significatif. Ou encore, il s’agissait de trouver les documents sur Michel Tremblay dans le catalogue de la bibliothèque. À cette question, 68 % des étudiants ont opté pour la mauvaise réponse, soit une recherche par auteur, contre 29 % qui ont choisi la bonne réponse: une recherche par sujet. Par ailleurs, seuls 28 % des étudiants connaissaient la finalité de l’opérateur «ou» et seulement 15 % des répondants ont reconnu l’ensemble des caractéristiques d’une revue savante. Un étudiant sur cinq ne savait pas à quoi sert une bibliographie et à peine 25 % ont réussi à déterminer avec succès les facteurs qui permettent d’évaluer la qualité d’un site Internet. Pour un grand nombre d’étudiants, l’information dans Internet a la même valeur que l’information qu’on trouve dans les bases de données spécialisées auxquelles les bibliothèques sont abonnées. Enfin, les étudiants peuvent souvent pratiquer «le plagiat par ignorance». L’étude a révélé clairement que les étudiants ne savaient pas qu’il faut signaler systématiquement les sources de l’information à la suite d’une recherche dans Internet ou après la lecture d’un article de revue.
Les conséquences sur la qualité du travail de l’étudiant sont importantes. La difficulté à repérer les documents fait que peu ou pas ou un trop grand nombre de documents sont repérés. L’utilisation de concepts inappropriés, la méconnaissance de la structure et du contenu du catalogue ainsi que du vocabulaire contrôlé, une stratégie de recherche déficiente, l’incapacité à interpréter une référence bibliographique sont autant d’éléments qui nuisent au repérage de l’information spécialisée. Le procédé par essais et erreurs enlève du temps à l’étudiant pour la lecture des documents, l’appropriation de leur contenu et la rédaction de ses travaux. En un mot, la recherche par tâtonnements utilisée par un grand nombre d’étudiants est inefficace et n’est pas valable dans le contexte de l’apprentissage d’un savoir scientifique.
En conclusion, l’étude recommande une évaluation régulière des connaissances en recherche documentaire des étudiants entrant à l’université, la participation régulière d’un représentant de la bibliothèque aux différents comités de programme, la mise sur pied d’un test mesurant les compétences informationnelles au cursus de la première année du premier cycle ainsi que l’intégration systématique dans les programmes d’études des trois cycles d’une formation à l’usage de l’information.
Toutefois, ces recommandations risquent de rester lettre morte si les professeurs dans leur ensemble ne s’appliquent pas à leur mise en œuvre. L’attitude des professeurs quant à l’apprentissage de la méthodologie de la recherche de l’information en
bibliothèque est diverse. Mais souvent, le temps alloué à la formation à l’usage de l’information à l’intérieur des cours n’est pas suffisant et la formation donnée est fragmentaire et partielle. De même, nombre de professeurs confondent l’introduction à l’instrument, par exemple une base de données dans leur discipline, et l’apprentissage de la méthodologie de recherche de l’information spécialisée et scientifique.
Pour conclure, les professionnels de l’information à l’Université de Montréal (les bibliothécaires) ont constaté et mis en évidence déjà depuis de nombreuses années les faits démontrés par l’étude de la CREPUQ. Ces professionnels font tout leur possible pour motiver les étudiants et les professeurs à s’intéresser à la maîtrise des savoirs et des outils de recherche de l’information spécialisée. Si l’on n’ajoute pas de formation créditée systématique à la recherche d’information au cursus, comme à l’Université de Toronto, à tout le moins devrait-on promulguer une directive pour encourager les professeurs des cours d’introduction du programme à rencontrer le professionnel de l’information de leur discipline pour organiser une séance de formation à la recherche de l’information et aux différents outils de la bibliothèque.
Luc Girard
Professionnel de l’information
Bibliothèque des lettres et des sciences humaines