«Mon vieux, tu m’as jeté sur une nouvelle planète.» C’est le truc le plus simple pour se rappeler l’ordre des neuf planètes du système solaire, la première lettre de chaque mot renvoyant à celle des corps célestes. Mais l’annonce de la découverte de Sedna, le 15 mars dernier, forcera peut-être les astronomes à revoir leurs manuels... et cet aide-mémoire.
Sedna, un objet plus petit que la Lune situé à 13 milliards de kilomètres du Soleil (elle complète une orbite en 13 500 ans), est comparable à deux astres de dimensions similaires situés dans la ceinture de Kuiper et à un astéroïde bien connu, Cérès. Si on les considère comme des corps célestes «sans lumière propre, décrivant autour du Soleil une orbite elliptique», pour reprendre la définition du Petit Robert, il n’y a pas 9 mais 13 planètes dans notre système.
«Si l’on ne précise pas de dimension minimale dans la définition du mot "planète", on pourrait en compter des milliards dans le système solaire, explique Pierre Chastenay, astronome au Planétarium de Montréal et étudiant en didactique des sciences à l’UdeM. C’est pourquoi on s’entend pour rejeter les objets les plus petits. Maintenant, il faut définir où l’on place la limite.»
En effet, une quantité «astronomique» d’objets sont en orbite autour du Soleil, de la poussière microscopique à la géante Jupiter. Entre les deux, on trouve des astéroïdes, des planétoïdes, des comètes et une multitude d’objets situés aux frontières des uns et des autres.
«L’astronomie s’applique à définir avec une certaine précision de nombreux concepts. Mais bizarrement, aucun consensus n’existe actuellement sur ce qu’est une planète», explique M. Chastenay. Pour certains, une planète doit mesurer au moins 700 km de diamètre: c’est à partir de cette grosseur qu’elle présente une forme sphérique. Pour d’autres, c’est la formation des planètes qu’il faut surtout regarder. Ou encore l’orbite.
Chose certaine, si Pluton était découverte aujourd’hui, elle ne serait pas considérée comme une planète mais comme un planétoïde. «Elle est trop différente des huit autres, affirme l’astronome. Son orbite est excentrique, son diamètre est une fraction de celui de ses voisines. De plus, la façon dont a été constituée Pluton la distingue des autres.»
Faut-il retirer à Pluton son statut? «Si on le faisait, cela choquerait des gens. Il y a une sorte d’attachement historique à Pluton», note le spécialiste.
Quand le planétarium Hayden, à New York, a rouvert ses portes en 2000 après des rénovations majeures, il a joué d’audace en inaugurant son exposition permanente: Le système solaire compte huit planètes. Plusieurs personnes ont assez mal pris la chose. «Mon opinion là-dessus? Je trouve que c’est le genre de décisions que peut et que doit prendre un musée de science. C’est notre responsabilité de tenir compte de l’évolution des connaissances.»
L’Union astronomique internationale a chargé un comité de régler la question une fois pour toutes et de rédiger une définition claire du mot «planète». Cette définition pourrait inclure Pluton, mais il ne faudrait pas que les considérations historiques soient les seules à être prises en compte.
En tout cas, on peut déjà chercher une nouvelle phrase excluant le P: «Mon vieux, tu m’as jeté sur un navire.» «Ma vie t’a marqué juste sur un neurone.» «Merci va, tu me joueras sur une nuance.» «Mon virage très mou juste sous une noix.» «Mercredi, viens te marrer, je suis un nerveux.»
Mathieu-Robert Sauvé