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Faute de «A+», des étudiants seraient désavantagés dans les concours nationaux de bourses. |
Faute d’avoir une moyenne générale comparable à celle des meilleurs étudiants du pays, certains étudiants de l’Université seraient désavantagés dans les concours nationaux de bourses. «C’est un problème majeur, estime Louis Maheu, doyen de la Faculté des études supérieures (FES). Nos étudiants ne performent pas comme ils devraient dans les concours des grands conseils subventionnaires. Ce n’est pas parce qu’ils sont moins bons que ceux des autres universités canadiennes; c’est parce qu’ils ont une moyenne moins élevée.»
Les professeurs sont-ils trop sévères? En tout cas, certains d’entre eux n’attribueraient pas toujours des «A+» aux étudiants qui le mériteraient. Or, dans un dossier étudiant soumis aux concours annuels du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ou du Conseil de recherches en sciences humaines, un seul «B» dans le relevé de notes peut faire la différence entre une candidature rejetée et une bourse qui assure l’accès aux cycles supérieurs pour plusieurs années. Le montant de ces bourses très recherchées varie de 17 300 $ à 35 000 $ par an (voir l’encadré).
Le doyen Maheu affirme ne pas avoir de données précises pour appuyer ses propos, mais il rapporte que plusieurs personnes membres de jurys de bourses lui ont fait part de leur étonnement. «Des collègues me disent qu’ils sont frappés par la différence objective dans les dossiers de nos étudiants, sous-évalués. Ils ne vont pas chercher la part qui devrait leur revenir, proportionnellement.»
De deux choses l’une: ou bien les étudiants de l’Université sont moins forts que ceux des établissements concurrents (ce qui est mis en doute, compte tenu des critères de sélection parfois très exigeants à l’entrée), ou bien leurs notes ne sont pas aussi élevées qu’elles le devraient.
L’affaire des «A+»
Évidemment, cette question concerne les étudiants exceptionnels dont les résultats scolaires frôlent la perfection depuis le début de leurs études universitaires. «Au-dessous d’une moyenne de 3,9, un étudiant doit presque renoncer à obtenir une bourse», résume M. Maheu.
Des bourses généreuses mais exigeantes |
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada appuie chaque année 16 000 étudiants par différents programmes de bourses. Les plus recherchées pour les 2e et 3e cycles sont les bourses d’études supérieures du Canada qui offrent plus de 17 300 $ par année à la maîtrise et jusqu’à 35 000 $ au doctorat. Elles sont destinées aux candidats de "fort calibre". Pour y être admissible, l’étudiant doit avoir obtenu, au cours de chacune de ses deux dernières années d’études, une moyenne cumulative de «A-». «Toute exception à cette exigence doit être appuyée par des documents qui justifient la demande», stipule le règlement.
En raison du système collégial, sans équivalent dans le reste du pays, la plupart des études de baccalauréat au Québec s’étendent sur trois ans au lieu de quatre. Les étudiants doivent donc déposer leurs demandes dès le début de leur troisième année d’études. Et les bonnes notes doivent s’accumuler dès les premiers cours du programme. Une seule mauvaise note dans le relevé peut faire disparaître les chances du candidat.
Au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, les montants des bourses sont comparables, mais on ne précise pas quelle devrait être la moyenne minimale des candidats. Le règlement préfère
la formulation suivante: «une moyenne de première classe, telle que définie par votre université, au cours de chacune des deux dernières années d’études à temps plein ou l’équivalent.» |
Selon un barème de conversion (voir l’encadré), un «A+» correspond à une note de 4,3; un "A", à 4,0; et un "B", à 3,0. Or, dans les concours nationaux, qui comptent des dizaines de postulants, même si la note générale n’est pas le seul critère pris en compte, ceux dont la moyenne est trop basse sont vite écartés.
Certains professeurs refusent, par principe, d’accorder des «A+», car, selon leur philosophie, la perfection n’existe pas. «Moi, je n’en donne jamais. Je l’avoue, je fais partie des professeurs sévères», affirme un enseignant qui tient à garder l’anonymat.
Durant une bonne partie de sa carrière au Département de physique, Louis Lessard, professeur à la retraite, a lui aussi été économe de «A+». Il admet que son mandat comme vice-doyen aux études supérieures, de 1991 à 1996, a modifié sa perception des choses. «Nous ne rendons pas service à nos étudiants en étant trop sévères, explique-t-il dans une entrevue à Forum. Je comprends que, certaines années, les étudiants exceptionnels se fassent plus rares, mais il ne faut pas se gêner pour accorder de bonnes notes à ceux qui le méritent.»
Tout dépend de la façon dont on évalue les étudiants, mentionne-t-il. Mais la base de la comparaison doit être le groupe lui-même. «Je ne crois pas qu’il y ait de la part des professeurs une volonté délibérée d’être sévères, explique la vice-rectrice à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue, Maryse Rinfret-Raynor. Mais on peut s’attendre à ce qu’une évaluation soit juste et équitable, en fonction des objectifs du cours. Quelle que soit la matière, chaque cours doit présenter des objectifs d’apprentissage. Les étudiants y répondent ou pas.»
Le «A+» n’est pas synonyme d’une absolue perfection, commente Louis Lessard. «L’attribution de cette note signifie simplement que l’étudiant a satisfait mieux que les autres aux objectifs du cours.» L’évaluation ne sera jamais une science exacte, déclare-t-il, c’est pourquoi le jugement doit intervenir. «Il arrive à chaque professeur dans sa carrière de faire subir un examen plus difficile que d’ordinaire. C’est normal quand on change d’examen chaque année. Ce n’est pas aux étudiants d’en payer le prix.
L’appel lancé par le doyen n’est pas un «nivellement par le bas». Il n’y aura jamais qu’une minorité d’étudiants exceptionnels dans un groupe. Parfois même, il peut arriver qu’aucun d’entre eux n’obtienne de «A+». Mais Louis Maheu trouve difficilement défendable qu’un professeur n’accorde jamais cette note.
À la Faculté de droit, on utilise depuis une quinzaine d’années un logiciel qui permet de pondérer les résultats en fonction du groupe. «Le professeur demeure maître de son évaluation, explique Ghislain Massé, vice-doyen aux études. Mais ce logiciel calcule l’écart par rapport à la moyenne et cet écart tient compte de la force du groupe. Dans un cours où la moyenne sera de 56 % par exemple, il se trouvera tout de même quelques «A+»…»
Cet outil présente toutefois des limites, précise le vice-doyen. Il semble assez bien fonctionner dans de grands groupes, alors qu’il est moins performant dans les petits. Autre précision, les professeurs ne sont pas tenus de l’utiliser, mais la quasi-totalité d’entre eux le font librement.
Les étudiants en médecine réagissent
À la Faculté de médecine, les étudiants en ont long à dire sur l’évaluation des apprentissages, mais il semble que la sévérité des professeurs ne soit pas en cause. «Chez nous, les professeurs ne sont pas plus sévères qu’ailleurs, mais ils font leur évaluation en pourcentage, et le seuil de passage est supérieur à 60 %. Le problème, c’est dans la conversion de ces notes», relate Julie Baïlon-Poujol, présidente de l’Association des étudiantes et étudiants en médecine de l’Université de Montréal.
Le système que la Faculté de médecine emploie est différent de celui des autres facultés et il n’avantagerait pas les étudiants les plus brillants. «Des étudiants qui obtiennent des notes supérieures à 4,0, je n’en connais presque pas», dit l’étudiante.
C’est dans la conversion des pourcentages en notations littérales que se situe le problème, explique la représentante. La Faculté de médecine, consciente de la situation, s’est montrée réceptive à une réforme, mais les solutions tardent à venir. «La Faculté a présenté un projet de normalisation par rapport à la moyenne, mais il nous est apparu inapproprié. Le débat reste ouvert», conclut-elle. Le vice-doyen aux études de cette faculté, le Dr Raymond Lalande, a dit qu’il se donnait un an pour régler le problème.
Le point de vue de la vice-rectrice
La vice-rectrice à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue a voulu éclairer ce problème. Elle a commandé au Registrariat une étude sur la variation des évaluations au cours des derniers mois. Fernand Boucher lui a présenté un tableau éloquent sur les notes moyennes délivrées dans 64 programmes de baccalauréat. On y apprend par exemple que, dans le programme d’études X, aucun étudiant n’a reçu une note dépassant 3,7 durant les derniers trimestres.
Dévoilé à l’occasion d’une réunion de vice-doyens aux études, récemment, ce tableau a fait l’objet d’une discussion entre les différents responsables des études. «Les directeurs ont été saisis de cette question. J’ose croire qu’ils en ont informé les professeurs concernés, commente la vice-rectrice. Mais notre rôle n’est pas d’aller dire à un professeur comment évaluer ses étudiants. Il n’y a pas de solutions miracles. Il faut utiliser une approche concertée entre les unités et la FES. Nous favorisons une approche de sensibilisation.»
Mathieu-Robert Sauvé
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