Édition du 31 mai 2004 / volume 38, numéro 31
 
  Denys Arcand, «Jésus laïque», est décoré de l’Ordre du mérite
Trois diplômés illustres reçoivent la médaille de l’Université

Le nouveau membre de l’Ordre du mérite, Denys Arcand, accompagné de la présidente de l’Association des diplômés, Andrée Grimard.

Quand Denys Arcand s’est rendu pour la première fois à Hollywood, durant les années 60, ses hôtes de la Paramount savaient qu’il était titulaire d’un diplôme universitaire. Ils l’ont donc logé dans le quartier étudiant de l’Université de Californie. Déception. «Moi qui rêvais d’actrices pulpeuses, je me suis retrouvé au milieu de biochimistes mal rasés et de physiciens somnolents, raconte-t-il. Preuve que les diplômes universitaires ne mènent pas toujours à la félicité.»

Honoré par l’Association des diplômés de l’UdeM, qui lui a remis le 25 mai sa plus haute distinction, la médaille de l’Ordre du mérite, Denys Arcand a prononcé un bref mais émouvant discours de remerciement dans lequel il a témoigné son attachement à son alma mater. «Chaque fois que je travaille sur un film, l’Université de Montréal est dans mes plans. J’appelle des professeurs d’ici et je viens consulter des livres à la bibliothèque. Cette université fait partie de ma vie.»

Ce n’est donc pas un hasard si Rémy, le personnage principal des Invasions barbares (Oscar du meilleur film étranger en 2003 et lauréat de deux prix à Cannes), est un professeur à la retraite.

La scène où on le voit donner son dernier cours a été tournée dans un local du Pavillon André-Aisenstadt. De même, plusieurs séquences de Jésus de Montréal, de Stardom et du Déclin de l’empire américain ont été tournées sur le campus de l’Université et de ses écoles affiliées. Sa distinction lui a été remise dans le Hall d’honneur du Pavillon Roger-Gaudry, la salle même où Denys Arcand a tourné son premier film, Seul ou avec d’autres, en 1961. Un film financé par l’association des étudiants d’ailleurs.

Paul Desmarais fils, président de Corporation financière Power et président d’honneur de la soirée, a rendu hommage au cinéaste en mentionnant qu’il avait su mettre à profit le statut linguistique minoritaire du Québec. Il a comparé ce succès à ceux de Céline Dion et du Cirque du Soleil.

«Jésus laïque»

Le plus international des cinéastes québécois (Les invasions barbares ont été vues par 1,3 million de Français et ont trôné en tête du box-office en Italie et au Brésil) a obtenu un baccalauréat en histoire en 1962. Il n’a pas fait d’études de deuxième et de troisième cycle mais s’improvise volontiers chargé de cours sur les plateaux de tournage. «Il nous donne des cours particuliers entre les scènes», mentionne la comédienne Dominique Michel, interviewée dans un document vidéo diffusé durant la soirée. Réalisé par le secrétaire général de l’Association des diplômés, Michel Saint-Laurent, ce petit bijou de 12 minutes a tracé un portrait sympathique du premier artiste en 37 ans à recevoir la médaille de l’Ordre.

Pour l’historien du cinéma Germain Lacasse, Denys Arcand est un moraliste des temps modernes. «Ses premiers films comme Gina ou On est au coton présentaient des mouvements ouvriers, des luttes populaires. Aujourd’hui, il continue de mettre en scène des sujets inspirés de la société actuelle, avec leurs enjeux moraux. Je dirais qu’il est un Jésus laïque médiatique.»

«C’est un homme calme, instruit, renseigné, qui a beaucoup d’humour», dit encore Dominique Michel, qui serait prête à tout pour jouer de nouveau dans ses films. Même s’il s’agit d’un rôle effacé consistant à «ouvrir une porte».

Louise Portal et Johanne-Marie Tremblay ont aussi fait part de leur admiration pour ce cinéaste singulier. «S’il avait les moyens des cinéastes d’Hollywood, ses films auraient un rayonnement comparable à Titanic», lance Germain Lacasse.

Trois médailles

Plus de 200 personnalités des milieux des arts et des affaires étaient venues applaudir le lauréat. Parmi elles, Pierre Karl Péladeau, Robert Parizeau, Bernard Lamarre, Dorothée Berryman, Louise Portal, Louise Marleau, Claude Dubois et bien d’autres.

Trois autres illustres diplômés de l’Université de Montréal ont reçu la médaille de l’établissement: Pierre Audet-Lapointe, président fondateur de la Fondation québécoise du cancer; Emmett Johns, président fondateur de l’organisme Le bon Dieu dans la rue; et Paul Gérin-Lajoie, président fondateur de la fondation qui porte son nom. Cette remise de médailles au cours de la soirée de gala avait un caractère exceptionnel, puisqu’elle s’inscrivait dans les célébrations du 125e anniversaire de l’UdeM. Les trois médaillés sont issus des facultés fondatrices: médecine, théologie et droit.

«Je suis gêné de recevoir cet honneur devant vous, messieurs Audet-Lapointe, Johns et Gérin-Lajoie, a déclaré Denys Arcand. Vous avez fait des choses vraiment utiles, alors que moi je ne suis qu’un saltimbanque.»

Ces quatre diplômés ont marqué le Québec, a commenté le recteur Robert Lacroix. Mais alors que cinq nouveaux pavillons sont en construction sur le campus, il estime que la société québécoise n’est pas au bout de ses surprises. «Cette université n’a pas fini d’étonner», a-t-il conclu.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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