Édition du 14 juin 2004 / volume 38, numéro 32
 
  Les secrets de l’innovation
Pierre-Gilles de Gennes ou les tribulations de la recherche scientifique

Pierre-Gilles de Gennes

C’est dans une salle du Pavillon Claire-McNicoll pleine à craquer que le professeur Pierre-Gilles de Gennes, lauréat du prix Nobel de physique en 1991, a prononcé le 31 mai dernier une conférence publique présentée conjointement par la Faculté des arts et des sciences et par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). La conférence, intitulée «Les tribulations des inventeurs», s’inscrivait dans les célébrations du 125e anniversaire de l’UdeM et du 25e anniversaire du CRSNG.

«Je ne suis pas du tout un inventeur, mais j’ai eu l’occasion d’en côtoyer plusieurs et d’en former quelques-uns», a dit le scientifique, qui a pourtant ouvert des champs inédits en physique moderne et stimulé plusieurs recherches théoriques et expérimentales. Pendant deux heures, il a entretenu son auditoire des grandes qualités qui, selon lui, sont à la source des découvertes scientifiques: le bon sens, l’observation et la ténacité.

Multipliant les exemples, Pierre-Gilles de Gennes a souligné que les grandes découvertes sont rarement le fruit de développements théoriques et qu’elles émergent plus souvent de questions pratiques posées sur le terrain. «Il arrive même, comme dans le cas de la montgolfière, qu’une découverte soit le résultat d’une théorie fausse!» a-t-il rappelé, expliquant que c’est en se basant sur les théories relatives aux champs électriques pour lesquelles on se passionnait à l’époque que les frères Montgolfier avaient décidé de chauffer l’air qui gonflait leur ballon.

En réponse aux nombreuses questions de l’assistance sur les liens entre recherche fondamentale et recherche appliquée, Pierre-Gilles de Gennes a insisté sur l’importance des partenariats entre l’université et le monde industriel. «Il faut combiner la curiosité scientifique et le désir de comprendre avec la nécessité de répondre aux besoins de la société», a-t-il dit. Il s’est montré critique envers les intérêts à court terme des actionnaires des grandes entreprises, qui empêchent la mise en œuvre de projets s’échelonnant sur plus de trois ans: «Dans un tel cadre, on peut améliorer les produits existants, mais on ne peut en créer de radicalement nouveaux.» Par contre, il a souligné que la recherche fondamentale posait d’épineux problèmes de financement: «J’aurais tendance à dire qu’il faut modérer nos efforts dans certaines sciences vieillissantes, comme la physique nucléaire de basse et moyenne énergie et la physique des solides, dont il risque de ne plus rien sortir. Mais il faut faire attention, car on risque de passer à côté de découvertes majeures.»

Marie-Claude Bourdon



 
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