|
Geneviève Carobene |
Les chiffres sont connus, mais ils provoquent toujours le même désarroi: au Québec, un mariage sur deux se termine par un divorce. Et derrière les chiffres, il y a des personnes: un enfant sur trois verra ses parents divorcer ou se séparer avant qu’il atteigne 10 ans!
«Les études montrent que le divorce a un impact sur le degré d’anxiété des enfants, souligne Geneviève Carobene, étudiante au doctorat au Département de psychologie. Plusieurs facteurs influent sur la réaction anxiogène des enfants et le plus important prédicteur, selon la littérature, est l’ampleur des conflits entre les parents.» Dans sa recherche doctorale dirigée par la professeure Francine Cyr, l’étudiante cherche à cerner les stratégies d’adaptation des enfants à cette situation et à mesurer comment ils peuvent en être les acteurs.
Dans un premier temps, Geneviève Carobene a voulu établir l’incidence relative des conflits et du divorce sur le taux d’anxiété des enfants. Quarante-sept enfants âgés de 6 à 14 ans et issus, en parts égales, de familles intactes et de familles éclatées ont été rencontrés. Dans le cas des enfants de couples séparés, la rencontre a eu lieu six mois après la rupture. À l’aide de deux outils d’observation, la chercheuse a recueilli les propos des enfants quant à la fréquence et à l’intensité des conflits entre leurs parents ainsi que leur évaluation de leur propre anxiété. Il s’agit là d’une des rares études à se centrer sur le point de vue des enfants en pareille situation.
|
La séparation peut s’avérer bénéfique pour les enfants qui vivaient dans un climat de grande tension. |
Anxiété moindre à la suite du divorce
Conformément à ce que les autres études ont déjà rapporté, l’analyse des résultats montre que les conflits entre les parents sont de meilleurs prédicteurs de l’anxiété des enfants que le divorce lui-même. «Plus il y a de conflits, plus l’anxiété est élevée, quel que soit le type de famille, précise la chercheuse. Mais à une ampleur égale des conflits, l’anxiété est moindre chez les enfants des couples séparés que chez les enfants des familles intactes. La séparation des parents atténue donc le taux d’anxiété lié aux conflits.»
L’étudiante apporte trois hypothèses pour expliquer la réduction de l’anxiété. D’une part, les conflits perçus par l’enfant comme menaçant la stabilité du couple parental pourraient être plus anxiogènes que les autres conflits au sein du couple. D’autre part, la rupture peut être perçue par l’enfant comme une volonté des parents de mettre fin à leurs querelles, ce qui atténue la tension. Finalement, le divorce lui-même pourrait avoir un réel effet bénéfique sur l’enfant lorsqu’il met effectivement fin aux disputes.
Mais la séparation n’est pas toujours synonyme d’apaisement entre les parents. Selon Francine Cyr, seulement 25 % des parents divorcés aux États-Unis réussissent à résoudre harmonieusement leurs différends après un divorce. La même proportion de couples défaits continuent de s’affronter devant les tribunaux plusieurs années après leur séparation.
|
Francine Cyr |
Les tensions entre les parents divorcés sont généralement liées à la garde de l’enfant ou au partage des dépenses. «Les conflits les plus dommageables pour l’enfant sont ceux qui éclatent en sa présence et dans lesquels il se sent concerné sans qu’il ait de prise sur la situation, souligne Geneviève Carobene. L’enfant se sent alors responsable et coupable du désaccord entre ses parents. Et les conflits qui perdurent dans le couple laissent l’enfant dans un état d’alerte constant.»
La chercheuse est donc d’avis que les conflits non résolus s’avèrent plus préjudiciables que le divorce.
Cette étude s’inscrit dans un projet de recherche plus vaste dirigé par Francine Cyr et qui vise à mesurer comment l’évolution du climat entre des parents séparés influe sur le bien-être de l’enfant. Elle rencontre à cet effet les parents à deux reprises, soit au moment de la séparation et un an plus tard.
Daniel Baril