Édition du 30 août 2004 / volume 39, numéro 1
 
  Le kayak repart vers le Nord
Le Département d’anthropologie rendra un objet de sa collection à sa communauté d’origine

Un superbe kayak appartenant à la collection d'objets ethnologiques du Département d'anthropologie retournera cet automne à la communauté où il a été acquis  en 1966. Installé depuis le 22 juin dernier à la maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce pour les besoins de l'exposition De l'objet aux savoirs: l'anthropologie et l'étude de la diversité humaine à l'Université de Montréal, ce kayak fabriqué par un Inuit du village de Kangirsujuaq, dans le Grand Nord, a fait l'objet d'une demande de don de la part de sa communauté d'origine, par l'intermédiaire de l'Institut culturel Avataq, une organisation de défense de la culture autochtone du Nunavik. Après avoir étudié la demande, un comité du Département d'anthropologie a décidé de restituer l'embarcation aux Inuits de Kangirsujuaq.

Cette demande de don s'inscrit dans un mouvement général de revendication, de la part des communautés autochtones partout dans le monde, des objets ethnologiques qui ont été acquis au fil du temps par les anthropologues ­ parfois dans des circonstances nébuleuses ­ et préservés dans les musées. Aux États-Unis, la loi NACPRA, adoptée en 1994, donne ainsi à ces communautés le droit de réclamer aux musées nationaux le retour de leurs ossements humains et des objets associés aux sépultures. Dans un souci de revalorisation de leurs cultures, les communautés sont devenues de plus en plus conscientes de la valeur patrimoniale de ces objets.

«Dans les communautés, les jeunes d'aujourd'hui n'ont jamais vu ces objets, ils ne savent pas comment ils sont fabriqués ni comment on les utilise et sont ainsi privés de leur héritage et de leur culture», a expliqué Charlie Arngaq, président du conseil d'administration de l'Institut culturel Avataq, au cours d'une table ronde organisée à l'occasion del'exposition. Intitulée «À qui appartiennent les objets ethnologiques?», cette rencontre a permis de discuter des enjeux délicats entourant cette question. Si tous reconnaissent l'importance des objets pour les membres des communautés autochtones, leur retour pose une série de problèmes touchant à la recherche, la conservation et la mise en valeur de ces artéfacts.

Sylvie Côté Chew, coordonnatrice de projet à l'Institut culturel Avataq, a notamment expliqué les difficultés auxquelles se heurtent les communautés éloignées du Nord pour obtenir les ressources nécessaires afin d'assurer la préservation et la transmission des objets qu'elles réussissent à récupérer dans les musées du Sud. «Les conditions exigées par les musées sont souvent impossibles à remplir dans les communautés, mais on peut parfois trouver un équilibre entre des conditions de conservation optimales et les bénéfices sociaux et spirituels engendrés par le retour des objets.»

Le Département d'anthropologie de l'UdeM a été assuré que le kayak qui retournera vers le Nord cet automne «sera conservé dans des conditions d'atmosphère contrôlée visant sa préservation pour la postérité», a indiqué sa directrice, Pierrette Thibault. Dans d'autres cas, toutefois, des objets sont réclamés par les communautés pour être réintégrés dans leurs rituels, explique Mme Côté Chew. «Les communautés disent que ces objets sont à elles, qu'elles peuvent en faire ce qu'elles veulent, les briser ou les enterrer si elles le souhaitent.» Comment concilier les intérêts des chercheurs et des muséologues avec ceux des autochtones? Pour Adrian Burke, professeur d'archéologie au Département, la réponse est claire : «Le retour des objets ethnologiques a largement contribué à enrichir le champ de la recherche en favorisant les discussions avec les membres des communautés d'origine.»

Marie-Claude Bourdon



 
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