Depuis 12 ans qu'il fouille les ruines de l'antique cité grecque d'Argilos, Jacques Perreault ne compte plus les trésors qu'il en a exhumés. Il est d'ailleurs l'un des découvreurs de ce site et c'est son équipe qui a mis au jour une pièce de poterie prouvant qu'il s'agit bien du site d'Argilos.
Argilos se trouve sur une petite colline au bord de la mer Égée, dans le nord de la Grèce. La ville a été fondée vers 655 avant notre ère et a été tour à tour occupée par les Thraces, les Macédoniens et les Grecs. Après avoir dégagé une partie de l'acropole, Jacques Perreault a choisi de déblayer une rue qui semble parcourir toute la ville.
«C'est la main d'Argilos, déclare le professeur du Centre d'études classiques. Elle fait 5 m de large, ce qui est énorme, et elle descendait jusqu'au port, situé maintenant sous les eaux de la mer Égée.» La rue a été déblayée sur 75 m, ce qui a permis, du même coup, de dégager les fondations d'édifices importants.
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Jacques Perreault |
Hôtel de ville
Dans l'une des maisons en bordure de la rue, l'équipe de l'Université de Montréal a multiplié, au cours des trois dernières années, les découvertes hors de l'ordinaire. Au centre de la pièce arrière de la vaste habitation, les chercheurs ont exhumé un gigantesque foyer de cuisson. «On allumait le feu sur une plaque centrale, puis on poussait la cendre et la braise dans une fosse pour faire cuire la nourriture sur la plaque chaude», explique le professeur.
Dans la même pièce, on a découvert une baignoire en argile, objet rare et signe de richesse. Des ouvertures au bas des murs pourraient être des conduites d'eau, estime l'archéologue. Dans un petit dépôt aménagé à même les fondations, l'équipe a également mis la main sur six pièces de monnaie datant du début du cinquième siècle avant notre ère et dans un excellent état de conservation. La liste des objets retrouvés dans ce même édifice contient en outre des vases à boire et un collier.
«Il est évident qu'il ne s'agit pas d'une maison privée», affirme Jacques Perreault. Il y a une dizaine d'années, au cours du déblayage de la portion de rue longeant cette habitation, les archéologues avait trouvé deux têtes de bélier en terre cuite et qui ornaient l'extrémité des tuiles du toit, ce qui montre que ce n'était pas une habitation ordinaire.
Les dimensions de l'édifice et les objets retrouvés amènent l'archéologue à croire que ce pourrait être le prytanée de la ville. Dans les cités grecques, le prytanée était l'endroit où se rencontraient les sénateurs et les magistrats pour manger et tenir des réunions. L'endroit pouvait aussi servir d'auberge pour des hôtes de marque. C'était en quelque sorte l'hôtel de ville de l'époque.
Dans un autre site de fouilles situé juste au bord de la mer et qui constitue la partie la plus ancienne de la ville, le professeur Perreault a découvert des indices qu'il recherchait depuis longtemps: les ruines des habitations révèlent que l'endroit a d'abord été occupé par les Thraces il y a 2650 ans. Il y aurait eu cohabitation avec les Grecs pendant un siècle, après quoi les Thraces semblent avoir quitté les lieux.
Site unique
Pour les archéologues classiques, Argilos représente un site unique où l'on peut observer toutes les phases de développement d'une cité, de l'époque précoloniale à la destruction par les Perses et à la réoccupation par les Grecs. Le travail sur le site a toutefois été gravement menacé par la construction de deux routes et il s'en est fallu de peu que la colline soit pulvérisée pour laisser le passage à une autoroute.
Cette autoroute devait passer au centre d'une riche demeure située au sommet de la colline et construite pendant le règne macédonien de Philippe II, le père d'Alexandre le Grand. Les archéologues ont heureusement réussi à faire dévier son tracé. Jacques Perreault pourra donc continuer d'emprunter paisiblement la main d'Argilos.
Daniel Baril