C'est à ce moment-ci de l'année, lorsque les jours raccourcissent, que les monarques, ces magnifiques papillons aux ailes orange nervurées de noir, quittent le Québec pour entreprendre leur longue migration de près de 4000 km vers le sud, plus précisément vers les montagnes du nord de l'État de Michoacán, au Mexique. L'Insectarium de Montréal, qui participe au programme de recherche Monarch Watch, piloté par l'Université du Kansas, vient d'en relâcher quelques centaines après les avoir étiquetés de façon que leur parcours migratoire puisse être étudié. Comment les monarques retrouvent-ils le chemin de leur séjour d'hiver? «Cela est d'autant plus stupéfiant que les migrations s'accomplissent sur plusieurs générations. Les papillons qui partent vers le Mexique ne sont pas les mêmes que ceux qui en sont revenus au printemps», souligne Pierre-Paul Harper, professeur retraité d'entomologie du Département de sciences biologiques.
Il faudra deux mois et demi de voyage au papillon parti de Montréal pour se rendre jusque dans les forêts de conifères des hautes montagnes mexicaines, où se trouvent les sites d'hibernation des monarques québécois. Comment s'oriente-t-il? «Toutes sortes de théories sur les champs magnétiques, la lumière ou les vents dominants ont été formulées pour expliquer le phénomène, mais aucune n'y est parvenue définitivement», répond Pierre-Paul Harper. En fait, on pense que les papillons utilisent probablement une combinaison de diverses méthodes de navigation, dont le positionnement du soleil, le biomagnétisme grâce aux champs magnétiques terrestres et une «mémoire» génétique qui contiendrait des informations sur la topographie des couloirs migratoires utilisés par leurs ancêtres.
À la fin de leur période d'hibernation mexicaine, qui dure jusqu'en mars, les monarques complètent leur maturation sexuelle et s'accouplent, ce qui s'avère fatal pour la plupart des mâles. De leur côté, les femelles reprennent le chemin du nord et pondent leurs ¦ufs aux différentes étapes de leur parcours, puis meurent à leur tour. Plusieurs générations de monarques se succèdent avant que les papillons atteignent le Québec, qui se situe à l'extrémité nord de leur aire de répartition, en juin. Les monarques, qui ne volent pas la nuit, utilisent au maximum la force des vents et parviennent ainsi à enregistrer une vitesse moyenne d'environ 32 km/h pour parcourir quotidiennement une distance de 80 à 120 km. Après quoi ils s'offrent un repos bien mérité dans une halte migratoire déjà fréquentée par leurs ancêtres. Comment toutes les informations utiles à leur voyage sont-elles transmises d'une génération à l'autre? C'est un mystère que les chercheurs tentent d'élucider.
Marie-Claude Bourdon