Édition du 27 septembre 2004 / volume 39, numéro 5
 
  Une nutritionniste plonge dans les frigos des jeunes hommes
Les jeunes hommes ont l'habitude de l'alimentation rapide et la génération actuelle est très portée sur le surgelé

En plus de ses études de maîtrise en nutrition, Marilyn Manceau travaille à Extenso, qui présente sur le Web de l'information sur la nutrition ( extenso.org ).

Au cours de l'été 2004, 15 hommes de 18 à 24 ans vivant seuls ou avec un colocataire ont reçu deux appareils photo jetables et une mission très spéciale: prendre des clichés de tout ce qui témoigne de leur rapport avec la nourriture. Un «clic» dans le frigo, un «clic» dans le garde-manger, un autre au-dessus de leur cuisinière, de leur assiette, dans la pièce des repas... Même les contenants où sont déposés les ordures et les objets destinés au recyclage ont été photographiés.

«Une photo dit beaucoup plus que des mots. Elle permet entre autres de connaître les comportements alimentaires des sujets, le type de plats qu'ils préparent, la grosseur des portions et l'hygiène dans la cuisine», signale la nutritionniste Marilyn Manceau, étudiante à la maîtrise à l'Université. Sans compter que les hommes, habituellement peu bavards en matière culinaire, sont plus loquaces lorsqu'on leur demande de commenter des photos qu'ils ont prises eux-mêmes.

C'est avec sa directrice de recherche, Marie Marquis, professeure au Département de nutrition, que l'étudiante a eu l'idée de cette méthodologie inusitée pour observer les moeurs alimentaires des jeunes hommes qui vivent en appartement à Montréal. «Les jeunes hommes constituent une population malheureusement peu connue des nutritionnistes, explique l'étudiante. Ils sont donc peu ciblés par les campagnes de sensibilisation à une saine alimentation.»

Pourtant, ajoute-t-elle, de mauvaises habitudes alimentaires adoptées tôt dans la vie peuvent entraîner à long terme des problèmes de santé sérieux: obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancers, etc.

Surgelés et boissons gazeuses

Bien que l'analyse des données ne soit pas terminée (au moment de la rencontre avec Forum, deux entrevues individuelles restaient à faire), Mme Manceau a déjà observé certaines tendances chez les sujets étudiés. «La plupart ont l'habitude de l'alimentation rapide et cela paraît, commente-t-elle. Le temps de préparation doit être limité au maximum.»

Portes ouvertes sur le frigo

Chez cette génération très portée sur le surgelé et le prêt-à-servir, les doigts de poulet pané, hamburgers, hot-dogs, pogos accompagnés de frites et arrosés de boissons gazeuses sont des vedettes incontestées. Mais certains jeunes, et pas nécessairement les plus scolarisés, apparaissent un peu plus sensibilisés à une alimentation équilibrée. Ces mêmes sujets sont aussi plus physiquement actifs et financièrement plus à l'aise.

Certains font preuve de beaucoup de débrouillardise lorsqu'ils manipulent leurs poêlons. «Ils ont un souci constant: éviter le gaspillage. Cela s'explique peut-être par le fait que leurs moyens sont limités. Mais les résultats sont tout de même intéressants au chapitre de la créativité en cuisine.»

Plusieurs hommes rencontrés par la nutritionniste ont pris conscience de lacunes dans leurs habitudes alimentaires. En entrevue, ils ont manifesté le désir de manger de façon plus régulière, soit trois repas par jour, et de consommer des aliments plus variés. «Le seul fait d'exprimer cette préoccupation est un signe positif», affirme la chercheuse.

Mais devoir montrer les photos prises à une nutritionniste a-t-il influencé le comportement des sujets? En d'autres termes, les jeunes hommes ont-ils fait montre d'un peu plus de zèle que d'habitude au moment des repas? «Nous le craignions avant de commencer la recherche, confie l'étudiante. Mais après avoir vu les photos et constaté la spontanéité de leurs commentaires, je suis certaine qu'ils ont respecté les consignes: agir comme à l'accoutumée.»

Une étude unique

Le projet de recherche a été financé par la Montreal Ottawa New Emerging Team au printemps 2003 afin d'étudier les déterminants métaboliques, génétiques et comportementaux de l'obésité. Ce groupe rassemble des chercheurs en nutrition et en kinésiologie de l'Université de Montréal et de l'Université d'Ottawa.

Il serait intéressant de mener la même expérience auprès des filles du même âge afin de comparer les habitudes alimentaires des deux sexes. Mais avec ses 15 entrevues et ses centaines de photos à analyser, la jeune femme en a plein les bras. Marilyn Manceau espère déposer son travail dirigé de maîtrise à l'été 2005.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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