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François Lespérance, professeur au Département de psychiatrie, adore le poisson et ne lève jamais le nez sur un beau saumon. |
Une bonne assiette de poisson, particulièrement de saumon ou de sardines, serait profitable à votre santé... mentale. En effet, consommer des poissons gras ou prendre des suppléments d'oméga-3 serait une alternative intéressante à la prise d'antidépresseurs. C'est ce que soutient François Lespérance, professeur au Département de psychiatrie.
«Un régime riche en oméga-3 présente l'avantage de n'entraîner aucun effet secondaire, d'être mieux accepté socialement et pourrait convaincre les patients réfractaires à un traitement pharmacologique», a observé le psychiatre. Nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme, les acides gras polyinsaturés ne sont pas composés chimiquement par le corps. On les trouve toutefois dans les huiles végétales tournesol, maïs, colza , les fruits secs oléagineux et les poissons gras.
Or, la dépression pourrait être favorisée par une carence en acides gras polyinsaturés de type oméga-3 et un apport trop important d'oméga-6. «Ils agissent sur plusieurs mécanismes biologiques, causant une baisse de la réponse inflammatoire sur le plan systémique. Dans le cerveau, ils ont une action sur de nombreux neuromessagers en augmentant la facilité de la transmission ou encore en activant différemment certains neurones», assure le chercheur.
L'étude pilote, dont les résultats définitifs ont été connus à la fin juin, rassemblait 90 patients atteints d'une dépression mineure ou grave et soignés avec des antidépresseurs. François Lespérance rapporte une étude italienne menée auprès de 11 000 patients et qui démontre qu'enrichir son régime alimentaire d'oméga-3 provoque un effet protecteur contre les symptômes des maladies cardiovasculaires. À son tour, le chercheur aimerait passer à la prochaine étape avec une étude clinique sur des patients psychiatriques.
La dépression et le coeur
Le psychiatre de l'Hôtel-Dieu (CHUM) a tout d'abord étudié les liens entre la dépression et les maladies cardiovasculaires. «Les patients déprimés après un infarctus ont un plus haut risque de morbidité. Ce sont également des personnes plus susceptibles de souffrir de maladies cardiovasculaires», affirme François Lespérance.
On sait que le cerveau gère le système hormonal, plus particulièrement le niveau de cathécholamines (hormones d'adaptation liées à l'adrénaline). Lorsqu'il y a perturbation, la régulation s'opère moins bien. Il faut compter aussi sur un regain d'activation des plaquettes sanguines, ce qui occasionne des thromboses (blocage des artères) et l'augmentation des mécanismes inflammatoires qui sous-tendent les AVC. Les gens déprimés développent donc plus de maladies systémiques, telles les maladies cérébrales vasculaires.
Les bienfaits des acides gras polyinsaturés sont connus dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Plusieurs études ont mis au jour leurs effets positifs sur l'athérosclérose, une maladie chronique des artères dont la paroi s'encrasse progressivement. Alors, pourquoi ne pas appliquer la même recette à la dépression?
Un régime riche en oméga-3
D'origine végétale ou marine, les oméga-3 sont des nutriments efficaces qui diminuent le taux de triglycérides. Et François Lespérance soutient que les acides gras essentiels jouent un rôle dans l'activité de la membrane cérébrale, la neurotransmission de la sérotonine et la réponse inflammatoire. «Les acides gras polyinsaturés modifient les propriétés physicochimiques des membranes cellulaires, ce qui a pour effet d'influencer positivement la réponse des neurotransmetteurs. Avec une prise régulière d'oméga-3, le cerveau gère plus efficacement son processus de modulation hormonale, ce qui agit sur l'humeur», insiste le chercheur.
Le psychiatre soulève même l'hypothèse que, jadis, notre alimentation était plus riche en oméga-3: «Notre ancêtre de Cro-Magnon devait sans doute consommer plus de poisson.» D'ailleurs, le chercheur aimerait se pencher, dans une prochaine étude, sur les marqueurs génétiques de réponse des Inuits. Il s'est produit des changements considérables dans le régime alimentaire de ces populations au cours des dernières années. Il aimerait mesurer leur possible dépendance à un régime riche en oméga-3 et l'impact que ce dernier peut avoir sur le traitement de la dépression.
Une alimentation enrichie d'oméga-3 s'annonce donc comme une solution intéressante à la prise d'antidépresseurs, particulièrement quand on sait que, chez certains patients, ces médicaments ont une efficacité toute relative et des effets secondaires majeurs.
Isabelle Burgun
Collaboration spéciale
Pour en savoir plus...
À lire: Nancy Frasure-Smith, François Lespérance et Pierre Julien, «Major Depression Is Associated with Lower Omega-3 Fatty Acid Levels in Patients with Recent Acute Coronary Syndromes», Biological Psychiatry, janvier 2004.
Sur le Web Internet: < www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=Retrieve&db=pubmed&dopt=Abstract&list_uids=15110732 >.