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Le critère des prix Nobel est un indicateur excessif, croit Pierre Simonet. |
Le classement international des établissements universitaires réalisé à l'Université Jiao Tong de Shanghai et auquel le professeur Marcel Boyer a fait allusion dans les pages de Forum du 13 septembre suscite bien des commentaires et des réactions. Rappelons que ce répertoire classe l'Université de Montréal au 209e rang sur 500 et, à l'échelle canadienne, au 10e rang sur 14!
Au-delà des nombreuses lacunes méthodologiques notamment reprochées par les universités francophones, «il y a là des signaux qu'on ne peut pas ignorer», affirme Pierre Simonet, directeur de la planification et de la recherche institutionnelle au vice-rectorat à la planification. Dans le contexte de la concurrence internationale, on doit s'attendre à voir de plus en plus d'études de ce genre et M. Simonet a rencontré Forum pour faire le point sur la question.
Méthodologie douteuse
D'abord les lacunes. Les principaux critères d'évaluation retenus par l'Université Jiao Tong sont les lauréats de prix Nobel, les publications recensées dans la base de données Citation Index, la fréquence de citation des chercheurs et les parutions dans Science et Nature.
Selon Pierre Simonet, le critère des prix Nobel est un indicateur excessif. «C'est loin d'être le meilleur indice de la performance et de la qualité de la recherche parce que ce critère est beaucoup trop spécifique», souligne-t-il. Les prix Nobel sont de plus en plus attribués à des équipes de chercheurs, ce qui veut dire qu'ils sont tributaires d'un travail de longue haleine effectué en réseau. Compte tenu de l'excellence des jeunes réseaux de l'UdeM, le directeur se montre par ailleurs optimiste quant aux chances de l'Université de décrocher un prix Nobel au cours de la prochaine décennie.
Quant à l'indice des auteurs les plus cités, pour la période allant de 1987 à 1999, il soulève plusieurs questions. Un seul professeur de l'UdeM figure sur la liste, soit Pierre Legendre, du Département de sciences biologiques. Un professeur de HEC Montréal, Danny Miller, fait également partie de la liste, mais sans que son travail soit crédité à l'UdeM.
«Cet indicateur sous-estime la performance de l'Université de Montréal par un décompte séparé des écoles affiliées», affirme Pierre Simonet. De plus, la banque de données utilisée comprend 21 disciplines, mais plusieurs champs d'études où l'UdeM a fait sa marque, comme le droit, les sciences humaines et les sciences de l'éducation, ne s'y trouvent pas.
La méthode de pointage associée aux citations d'auteurs s'avère incompréhensible: l'Université de Waterloo reçoit un score de 22,7 points avec sept chercheurs sur la liste, alors que l'Université Queen's, qui en a six, ne reçoit que 14,5 points; l'Université de Guelph, dont seulement trois chercheurs sont sur la liste, reçoit elle aussi 14,5 points, tandis que l'Université de Calgary, en dépit de deux chercheurs nommés, n'obtient aucun point.
Au chapitre du nombre d'articles recensés dans Citation Index, l'UdeM arrive au sixième rang au Canada. Pierre Simonet est convaincu que cette position ne représente pas la place réelle de l'Université parce que, d'une part, les auteurs francophones risquent davantage de voir leur nom être mal orthographié, ce qui nuit évidemment au décompte des articles; d'autre part, l'affiliation à l'UdeM des auteurs issus des écoles affiliées et des divers centres de recherche médicaux est souvent omise.
«Une fois que des problèmes de ce genre ont été corrigés dans une étude réalisée par l'Observatoire des sciences et des technologies, l'UdeM est passée du septième au quatrième rang au Canada», remarque M. Simonet.
Science et Nature
C'est sur le plan des publications dans Science et dans Nature que l'UdeM révèle sa plus grande faiblesse selon ce classement. Elle figure en effet à l'avant-dernier rang des 14 universités canadiennes prises en compte, alors que d'autres études la placent deuxième au Canada pour le nombre total de publications scientifiques. «Ceci nous montre que nos chercheurs publient très peu dans Science et Nature, alors que ceux des autres établissements universitaires n'hésitent pas à utiliser ces revues prestigieuses.»
Dans certains départements, la culture institutionnelle fait que les chercheurs préfèrent proposer leurs articles aux magazines les plus spécialisés ou à ceux de renom dans leur discipline. «Mais les chercheurs doivent être conscients que Nature et Science sont d'excellents baromètres de la qualité et ils devraient développer le réflexe de publier dans ces revues, croit le directeur du Bureau de recherche institutionnelle. Ils ne seront sûrement pas perdants si le texte est accepté et il n'y a pas de déshonneur à se le voir refusé.»
Importance de l'affiliation complète
Pour remédier à certaines des faiblesses révélées par cette étude, l'Université entend sensibiliser les directeurs des centres de recherche et des écoles affiliées à l'importance de bien indiquer l'affiliation UdeM de leurs chercheurs. Une désignation exacte et complète de l'affiliation institutionnelle devrait conduire à un meilleur positionnement de l'Université de Montréal dans ce genre de classement, estime-t-on.
De plus, le directeur de la planification et de la recherche institutionnelle incitera les chercheurs à tenter de façon plus systématique de publier dans Nature et Science, ce qui rehausserait la performance de l'Université de Montréal.
Le vice-recteur à la recherche, Alain Caillé, et Pierre Simonet rencontreront le responsable de cette étude au cours de son passage à Ottawa, la semaine prochaine. Ils comptent le sensibiliser aux problèmes que pose son classement dans la perspective d'une réédition plus valide.
Daniel Baril