Édition du 25 octobre 2004 / volume 39, numéro 8
 
  Le coeur des coureurs est plus fort
Yan Burelle compare le muscle cardiaque des rats sédentaires et actifs

Yan Burelle dispose d'un microscope lui permettant d'observer l'activité des cellules cardiaques.

Lorsque, à la suite d'une chirurgie, Yan Burelle place le coeur d'un rat de laboratoire sur son appareil de perfusion, il sait très vite à qui il a affaire. «Le coeur d'un rat bien entraîné est plus gros que celui d'un animal qui n'a pas fait d'exercices. L'hypertrophie est évidente», commente le jeune chercheur en kinésiologie qui s'intéresse à l'effet de l'activité physique sur la santé cardiovasculaire.

Au terme d'une expérience sur trois groupes de rats ­ les premiers courent à volonté dans une grande roue, les deuxièmes effectuent 90 minutes de course quotidienne et les troisièmes ne font pour ainsi dire aucun exercice ­, Yan Burelle et ses étudiants des cycles supérieurs (deux à la maîtrise et un au doctorat) recherchent les mécanismes cellulaires qui rendent le coeur plus résistant au stress d'un infarctus.

Il y a donc une vie après un arrêt cardiaque? Bien sûr. Quand on stoppe toute alimentation en glucose et en oxygène, le coeur perfusé devant nous cesse de battre et l'électrocardiogramme affiche une ligne continue. C'est l'infarctus. Mais après quelques minutes, l'organe peut se remettre à palpiter s'il est nourri de nouveau. C'est là que le rythme de vie de l'animal peut avoir un impact mesurable. «Le coeur redémarre beaucoup mieux chez l'animal entraîné», explique Yan Burelle. Il existe une grande différence entre les rats sédentaires et ceux qui font de l'exercice de façon modérée mais régulière. La différence semble moins significative entre ces derniers et les «marathoniens», soit ceux qui parcourent jusqu'à 10 km quotidiennement.

Mais il faut parvenir à décrire ce phénomène sur le plan cellulaire en observant les cellules du muscle cardiaque lui-même. Pour y arriver, le chercheur a obtenu des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), qui lui ont permis d'acquérir un système d'imagerie cellulaire d'une valeur de quelque 70 000 $. Grâce à ces appareils, il a mis sur pied une salle de culture cellulaire de haute technologie. Sur des clichés pris récemment et présentés sous forme d'animation, on voit des cellules cardiaques mourir sous nos yeux. Les cellules, de forme allongée, se rétractent peu à peu et deviennent semblables à de petites boules. Elles sont alors totalement inefficaces.

Les rats qui font de l'exercice sont beaucoup moins victimes d'infarctus que ceux qui n'en font pas. Et s'ils subissent un arrêt cardiaque, ils s'en sortent mieux.

Exercice et santé cardiovasculaire

L'exercice agit donc de deux façons: en renforçant l'organisme, qui devient moins sujet aux infarctus, et en permettant une meilleure récupération à la suite d'un accident cardiovasculaire.

Ce qui est vrai pour les rongeurs l'est aussi pour les êtres humains. Yan Burelle en est convaincu, et ce n'est pas parce qu'il a trois enfants qu'il a cessé de pratiquer ses sports préférés. Il déplore que les Québécois se rapprochent plutôt de ses rats sédentaires que de ses rats actifs... «Nos recherches démontrent que, même à faible dose, l'exercice aide à la santé cardiovasculaire», répète-t-il.

Selon la Fondation des maladies du coeur, près de 40 % des adolescentes au Canada sont sédentaires et 30 % des hommes et des femmes dans la vingtaine ont un excédent de poids. Pas étonnant dès lors que les maladies cardiovasculaires fassent des ravages dans la population.

Les femmes sont encore plus touchées que les hommes, car 35 % de tous les décès survenus chez les Canadiennes en 2001 étaient imputables à une maladie cardiovasculaire (maladie cardiaque, maladie des vaisseaux sanguins ou accident vasculaire cérébral), contre 33 % chez les hommes.

Cibler les mitochondries

Il peut paraître évident que le coeur entraîné d'un animal lui évite la maladie cardiovasculaire. L'exercice, c'est bien connu, protège l'organisme contre le mauvais cholestérol, l'athérosclérose, le diabète... Pourtant, les spécialistes de la physiologie ne saisissent pas encore dans tous ses détails le processus liant l'activité cellulaire et l'exercice. Pourquoi le muscle cardiaque devient-il plus résistant indépendamment des autres avantages périphériques? Ces mécanismes sous-jacents sont mal connus. «Nous soupçonnons l'influence des mitochondries: véritables usines à énergie à l'intérieur du noyau, les mitochondries joueraient un rôle dans ce processus, dit le chercheur. En étant plus perméables à certaines molécules, elles provoqueraient la mort cellulaire. Si l'usine à énergie flanche, ce pourrait être à cause de l'ouverture d'un pore de perméabilité à la surface de l'organite.»

Reprenant des extraits de sa thèse déposée à l'UdeM en 2000, Yan Burelle a publié dans le Journal of American Physiology un article décrivant le rôle des mitochondries à partir d'expériences menées sur le rat.
Ses études postdoctorales avaient montré pour la première fois un lien entre les mitochondries, leur perméabilité à l'adénosine diphosphate et l'entraînement. Cette recherche figure parmi les 10 recherches les plus citées dans le Journal of Applied Physiology.

Ce n'est pas son premier succès dans sa jeune carrière de chercheur puisqu'il a gagné des bourses d'excellence dès 1995 et en 1997. Puis, en collaboration avec un professeur de l'Université de la Colombie-britannique, Michel Allard, le chercheur de l'Université de Montréal a présenté à un congrès international à La Nouvelle-Orléans les résultats d'une autre recherche sur les effets cardioprotecteurs de l'exercice. Cette présentation a été mise en évidence par les organisateurs dans un Featured Topic Symposium, ce qui témoigne de l'intérêt suscité par le phénomène. La recherche, qui démontre un lien entre les adaptations métaboliques à l'exercice régulier et la meilleure récupération du coeur à la suite d'un infarctus, a fait l'objet le mois dernier d'une publication dans la revue Hearth Circulation Physiology.

Le laboratoire de Yan Burelle suit d'autres pistes, notamment celle du foie et de son rôle dans le métabolisme. Il a reçu des fonds des plus importants organismes subventionnaires du pays: le CRSH, les IRSC et le Fonds de la recherche en santé du Québec.

Mathieu-Robert Sauvé



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement