Édition du 1er novembre 2004 / volume 39, numéro 9
 
  Investir oui, mais pas n'importe comment
L'UdeM organise un colloque les 12 et 13 novembre sur la responsabilité sociale des entreprises comme critère de gestion des placements

Jean McNeil 

Wayne Norman

À la suite d'une perte de 8,55 G$ subie en 2002 et de différents scandales qui ont entaché sa réputation, la Caisse de dépôt et placement du Québec a décidé de délaisser ses objectifs multiples et de se concentrer sur un seul but au chapitre de la gestion de ses investissements: la rentabilité. Ceux qui espéraient que la
locomotive de l'économie québécoise se tourne vers l'investissement responsable et donne l'exemple aux administrateurs de caisses de retraite doivent donc en faire leur deuil.

Luc Vallée, vice-président à l'analyse macroéconomique et à la gestion de l'information et économiste en chef à la Caisse de dépôt et placement, défendra la position de l'organisme au cours d'un colloque organisé par le Comité aviseur sur les achats et placements socialement responsables et le Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal (CREUM) les 12 et 13 novembre au pavillon Roger-Gaudry. Mais il peut déjà compter sur un allié en la personne de Wayne Norman, spécialiste de l'éthique des affaires et chercheur au CREUM. «La décision de la Caisse m'apparaît justifiée, déclare le professeur du Département de philosophie qui a travaillé dans une école de gestion à l'Université de la Colombie-Britannique avant de déménager à Montréal l'an passé. Comment juger de la performance d'un groupe d'administrateurs quand on lui demande de poursuivre plusieurs objectifs en même temps? Je crois que toute personne est libre de placer ses épargnes dans des fonds éthiques, c'est une décision qui lui appartient. Mais quand il s'agit de l'argent d'un regroupement, il vaut mieux s'en tenir à un but: la rentabilité.»

Trop de mandats

À son avis, les gouvernements du Québec et du Canada ont eu la mauvaise idée, dans le passé, de multiplier les mandats auprès des gestionnaires des entreprises dans lesquelles ils investissaient. «En plus de faire des profits, ces entreprises devaient maintenir un taux d'emploi et des salaires élevés, s'intégrer à certaines communautés moins développées, participer à la réduction de la pollution, garder les prix à un bas niveau, alimenter le marché intérieur en produits et services subventionnés. Dans la plupart des cas, ces expériences de gestion ont été des désastres», dénonce-t-il

Les administrateurs de sociétés publiques se sont aperçus qu'ils faisaient fausse route et, dès les années 80, plusieurs sont revenus à leurs tâches de base. Et c'était très bien ainsi, prétend M. Norman, car, quand on demande aux gestionnaires de courir trop de lièvres à la fois, «il devient quasi impossible de prendre la mesure de leur succès ou de leur échec».

Par exemple Hydro-Ontario, après avoir été l'une des entreprises phares du Canada, a commencé à perdre de l'argent en 1990 et, sept ans plus tard, elle avait accumulé une dette de 35 G$. Elle se défendait pourtant d'être un modèle d'entreprise «socialement responsable».

Débat en vue

M. Norman sera l'un des invités de marque du colloque auquel prendront part des administrateurs, des promoteurs de l'investissement responsable et, bien sûr, d'autres universitaires. «Nous invitons tous ceux que le sujet intéresse à venir y participer», a lancé le président du Comité aviseur sur les achats et placements socialement responsables, Jean McNeil.

M. McNeil dit que cette rencontre sera l'occasion d'entamer un dialogue avec la communauté universitaire tout en approfondissant ce sujet de plus en plus débattu dans le monde des affaires et la société civile. Autant les étudiants que les employés ou les retraités de l'UdeM sont attendus parmi les quelque 250 participants. M. McNeil rappelle d'ailleurs que ce sont les représentants étudiants qui sont à l'origine de la création de son comité puisqu'ils se sont adressés à l'Assemblée universitaire pour en faire la demande en 2001.

Officiellement, l'Université de Montréal «soutient qu'une politique d'achat et de placement socialement responsable est une approche efficace pour appliquer les principes qu'elle défend», selon un document approuvé en décembre 2002 par les membres de l'Assemblée universitaire. Avec un actif qui totalise 1,8 G$ provenant de la caisse de retraite et du fonds de dotation, l'Université veut en avoir pour son argent, mais pas à n'importe quel prix. «On exige des gestionnaires de portefeuille et des responsables des achats qu'ils prennent des décisions avantageuses sur le plan économique. Mais les cotisants sont de plus en plus exigeants quant à l'utilisation de ces fonds: ils ne veulent pas que leur argent serve à financer des entreprises peu respectueuses de l'environnement ou des droits de la personne», précise M. McNeil.

Le président du Comité est prudent sur les orientations précises que l'Université entend donner aux gestionnaires du fonds de retraite en matière d'investissement responsable. Mais il affirme que des directives ont été données au chapitre des achats. «Chaque année, l'Université de Montréal a un budget d'acquisition de quelque 400 M$. Nous exigeons de plus en plus de nos fournisseurs qu'ils aient une bonne conduite sur les plans social et environnemental. Pas question, par exemple, que les tee-shirts des Carabins soient fabriqués dans des sweatshops de pays en développement...»

Mathieu-Robert Sauvé

Information: <www.creum.umontreal.ca>.
Frais d'inscription: 12 $ incluant le buffet du samedi midi.



 
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