|
Il y a plusieurs animaux dans L'Arche, mais l'opéra doit peu à celle de Noé. |
Avec
L'arche, la compositrice Isabelle Panneton fait son baptême de l'art lyrique. Professeure à la Faculté de musique au secteur écriture-composition ainsi qu'adjointe au doyen, la musicienne consacre tout de même, malgré son horaire très chargé, une partie essentielle pour ne pas dire vitale de son temps à la création. Le festival jeune public Les coups de théâtre, en collaboration avec l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal et le Nouvel Ensemble moderne, présente, du 25 au 28 novembre, son oeuvre L'arche, un opéra pour enfants sur un livret d'Anne Hébert.
«Au départ, j'étais très craintive à l'idée d'écrire un opéra, confie Isabelle Panneton, parce que ça n'est pas évident de penser la musique dans un espace scénique. Il faut tenir compte de l'aspect théâtral dès le début. Je ne pensais pas que j'aimerais ça à ce point!»
La genèse du projet remonte à 1997, au moment où Rémi Boucher, directeur artistique des Coups de théâtre, appelle la compositrice pour lui proposer l'idée d'un opéra pour enfants. «Il connaissait ma musique et je crois qu'il savait que je connaissais Anne Hébert, raconte la musicienne. J'ai donc communiqué avec elle, je lui ai envoyé des extraits de ma musique. Elle m'a répondu très gentiment qu'elle rédigerait le livret avec plaisir.»
C'est durant une sabbatique, en 1999, que la compositrice écrit la plus grande partie de L'arche, dont le texte lui était arrivé entre les mains au printemps 1998. En juin 2000, quelques mois à peine après le décès d'Anne Hébert dont c'était là l'avant-dernier texte , une Arche incomplète est présentée par Les coups de théâtre dans une mise en espace d'Alice Ronfard, avec un accompagnement au piano. Prise dans le labyrinthe des subventions auxquelles elle n'a pas droit puisque l'oeuvre qu'elle conçoit est une oeuvre à la fois théâtrale et musicale, Isabelle Panneton désespère de pouvoir mener à bien la version originale. Puis elle découvre qu'Opéra Canada a un programme susceptible de soutenir le projet jusqu'au bout. On réunit l'équipe: le Nouvel Ensemble moderne assumera la partie instrumentale, les chanteurs de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal incarneront les personnages et Keith Turnbull signera la mise en scène.
|
Isabelle Panneton |
Isabelle Panneton se dit d'ailleurs emballée par la distribution. «Ce sont des gens sympathiques qui entrent très bien dans leurs personnages. Dans certains cas, cela a même été instantané », précise la compositrice, qui a assisté à toutes les auditions. Un sergent recruteur, un chef d'expédition, la mère Michel, une chatte d'Espagne, un matou, monsieur et madame Cochon, monsieur Boeuf et madame Vache ainsi que le personnage très fort du chat sauvage (chanté par un contre-ténor) peuplent cette histoire d'amour et d'exil qui doit peu à l'arche de Noé mais beaucoup à son auteure.
«Anne Hébert m'avait déjà confié qu'elle souhaitait écrire une histoire où, à l'instar de Colette, elle ferait parler des animaux. Je crois que c'est ce qui lui a fait accepter de si bon coeur le projet. Son texte, qui s'adresse vraiment aux enfants, contient des côtés sombres, mais on y trouve aussi beaucoup de moments drôles. L'écriture est très dépouillée mais également très dense, elle rappelle sa poésie. J'ai trouvé facile de la mettre en musique.
«Musicalement, ce que j'ai voulu, c'est que tout soit transparent et au service d'une ligne mélodique. Pour moi, ce texte véhicule des émotions, et j'ai souhaité me charger du sous-texte. Les choses ne sont pas nécessairement complètes dans l'énoncé. La trame narrative est très importante, mais je pense que c'est le rôle d'un compositeur d'opéra d'aller chercher les interstices ou de donner plus d'ampleur à ce qui est déjà là, moins en évidence.»
Une prochaine fois, Isabelle Panneton rêve de travailler avec le metteur en scène. «Il faudrait tout de suite s'entendre sur une vision artistique précise, sur l'expression qu'on veut aller chercher.» Créer pour les enfants a-t-il fait une différence? «Le texte est tellement écrit pour eux que c'est venu naturellement. Par contre, il faut encore mieux gérer la perception du temps, plus exigeante avec les enfants.»
La compositrice mentionne à quel point la conception d'un opéra contemporain pour enfants incarne un espace de recherche et combien il est difficile dans le contexte universitaire actuel de le faire reconnaître comme tel. «Mon résultat de recherche, ce n'est pas une réflexion théorique, c'est une oeuvre!»
Dominique Olivier
Collaboration spéciale
Du 25 au 28 novembre, théâtre Outremont (1240, avenue Bernard Ouest); mise en scène : Keith Turnbull; direction musicale: Lorraine Vaillancourt; scénographie et costumes: David Gaucher; éclairages: Martin Gagné; direction artistique: Rémi Boucher. Information (Les coups de théâtre): (514) 499-2929, poste 201.