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L'enfant qui change fréquemment de famille n'a pas la possibilité de développer une relation de confiance avec les adultes qui prennent soin de lui. |
Julien, huit ans, a déjà connu quelques placements, entrecoupés de séjours dans sa famille biologique. À l'automne, une nouvelle crise survient avec sa mère et il doit de nouveau être placé dans une famille qui ne peut le recevoir à long terme. À cause de l'instabilité que Julien a vécue, son estime de soi en a pris un coup. Il a développé une attitude défensive. Plutôt prompt, il s'emporte parfois pour des banalités. Malgré tout, Julien est décrit à
Forum comme un jeune garçon attachant qui s'intéresse à plein de choses. «Il aime s'amuser avec des jeux individuels; il occupe bien ses temps libres par différentes activités», souligne Anne-Marie Fournier.
Criminologue diplômée de l'Université de Montréal, elle met ses compétences au service du milieu de la protection de la jeunesse depuis 25 ans. Depuis six mois, Mme Fournier occupe le poste de chef de service auprès des intervenants qui travaillent avec les familles d'accueil du Centre jeunesse de Montréal, un établissement affilié à l'UdeM. Celle-ci accueille près d'une centaine de professionnels du Centre qui assument des charges de cours faisant appel à des connaissances cliniques.
Une dizaine de professeurs de l'Université, dont Claude Gagnon, directeur du Département de psychoéducation, Marie-Andrée Poirier, de l'École de service social, Arlène Gaudreault, Marie-Marthe Cousineau et Denis Lafortune, de l'École de criminologie, collaborent avec le Centre jeunesse à ses activités de recherche. Ce centre offre également à près de 25 étudiants des cycles supérieurs un terrain propice à la collecte de données.
Julien, dont le nom a été modifié, conformément à la Loi sur la protection de la jeunesse, fait partie d'un échantillon de jeunes suivis par des chercheurs qui étudient notamment les impératifs liés à leur développement. Parmi ces besoins fondamentaux figurent la stabilité et la permanence d'un milieu familial. Voilà pourquoi le Centre tente d'assurer à tout enfant un milieu de vie stable, que ce soit dans sa famille ou dans un milieu substitut.
«Nous recherchons pour Julien des adultes capables d'offrir un encadrement ferme et constant, dit Mme Fournier. Des gens qui seront disponibles, car il requiert une surveillance soutenue et du soutien sur le plan scolaire, et qui pourront collaborer avec les différents intervenants engagés auprès de lui.»
Des enfants «Allô Police»
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Anne-Marie Fournier |
Plusieurs enfants comme Julien sont en attente d'une famille d'accueil. Seulement sur l'île de Montréal, on note une augmentation de 567 signalements retenus depuis 2001. Un signalement, selon le Centre jeunesse, consiste en une description, par un voisin ou par un professeur par exemple, d'un cas d'abus. Tous les enfants signalés ne sont pas placés dans une famille d'accueil. En fait, le nombre de jeunes qui vivent au sein de leur famille a légèrement augmenté cette année par comparaison à l'année dernière. «La proportion actuelle est de 60 % pour le milieu d'origine et de 40 % pour les placements», indique Mme Fournier. Reste qu'environ 15 000 enfants sont placés dans des familles d'accueil temporaires chaque année au Québec. Le quart de ces enfants sont âgés de plus de deux ans.
«Le Centre jeunesse de Montréal est constamment en recrutement. Nous sommes à la recherche de familles désireuses d'accueillir des poupons et de jeunes enfants qui doivent être retirés temporairement de leur milieu de vie naturel.» Ces enfants «Allô Police» sont souvent issus de milieux désorganisés ou démunis et peuvent avoir été négligés, victimes d'abus et de violence psychologique ou sexuelle ou encore avoir souffert d'un rejet affectif. «La négligence demeure, et de loin, la problématique la plus importante avec 54 % de l'ensemble des signalements retenus, suivi des abus physiques (21 %), des troubles de comportement (17 %), des abus sexuels (7 %) et des abandons (1 %)», peut-on lire dans le rapport annuel du Centre.
Qui sont ces familles d'accueil? «On entend parfois des histoires d'horreur sur des familles qui gardent des enfants dans le seul but de faire de l'argent. Mais c'est très rarement le cas», signale Anne-Marie Fournier.
«Les parents d'accueil ont l'amour des enfants comme motivation première, affirme Mme Fournier. Ils doivent être en mesure d'offrir un milieu de vie apaisant, sécurisant, stable, chaleureux et stimulant tout en étant capables d'accepter que l'enfant retournera tôt ou tard dans sa famille. À moins que sa sécurité ou son développement ne soit compromis. Dans leur rôle, les parents d'accueil sont appuyés par des professionnels qui leur apportent conseils et soutien. Ils bénéficient aussi d'activités de formation offertes par le Centre.»
Le Centre, un institut universitaire
En 1996, le Centre jeunesse de Montréal a été désigné institut universitaire dans le domaine de la violence chez les jeunes. L'établissement, qui a vu son mandat d'enseignement renouvelé au printemps 2003 par le ministère de la Santé et des Services sociaux, poursuit sa contribution à l'enseignement en milieu universitaire et offre diverses activités de formation, notamment auprès de CLSC et d'organismes communautaires.
À l'Université de Montréal, un séminaire a été donné aux étudiants inscrits à la maîtrise en psychoéducation et aux intervenants du secteur de la réadaptation qui souhaitaient s'inscrire à l'UdeM comme étudiants libres. Du côté de la recherche, de nombreux projets se sont poursuivis et certains autres ont été entrepris au cours de la dernière année. Deux d'entre eux sont à signaler, soit «L'impulsivité et l'agressivité chez les adolescents pris en charge et hébergés en centre jeunesse», dirigé par Denis Lafortune, et «L'efficacité d'un programme parental en regard au maintien familial d'enfants en protection de la jeunesse», sous la direction de Marie-Andrée Poirier.
Les résultats de ces études sont attendus pour l'automne 2005.
Dominique Nancy
Pour devenir famille d'accueil: selon votre lieu de résidence sur l'île de Montréal, vous composez un des numéros suivants: nord, (514) 858-4800; centre, (514) 896-3200; est, (514) 356-5300; ouest, (514) 362-6200.