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Jean-Pierre Proulx a toujours eu l'obsession du classement. |
«Selon vous, quelle devrait être la première priorité du gouvernement québécois au cours de la prochaine année?»
À en croire les firmes de sondages qui posent annuellement cette question à un millier d'adultes depuis deux décennies, l'amélioration de notre système d'éducation n'est pas une priorité... prioritaire. En 2000, seulement 5 % de la population considérait que l'éducation devait figurer en tête de liste des préoccupations du Conseil des ministres. Par comparaison, la santé était la priorité pour 56 % des gens.
Signe des temps, quelques années plus tôt, c'est l'emploi qui inquiétait les Québécois: 52 % des répondants voyaient l'urgence d'investir massivement dans la création d'emplois, contre à peine 4 % dans l'éducation.
Voilà un exemple des surprises que recèle la base de données Opinéduq, lancée avant les fêtes par son créateur, Jean-Pierre Proulx, professeur à la Faculté des sciences de l'éducation. Réalisée en collaboration avec l'informaticien Jean-Marc Cyr, la Banque de données sur l'opinion publique et l'éducation au Québec (1943-2003) présente avec simplicité un répertoire interactif convivial sur six décennies de sondages. On y trouve des questions sur la qualité de l'éducation, l'accès aux études, les droits de scolarité, le port de l'uniforme à l'école, etc.
Disponible sur cédérom et bientôt sur Internet (sans frais), cette mine de renseignements unique en son genre permet aux chercheurs de voir rapidement l'évolution des perceptions à l'égard de l'éducation dans l'opinion publique. Le nom qu'on a donné au produit reflète d'ailleurs cette réalité: «Opinion, éducation, Québec.»
Dévoreur de sondages
«J'ai toujours été friand de sondages sur toutes les questions liées à l'éducation, explique l'instigateur de la banque de données, ancien journaliste au Devoir. Mais aussitôt que ces sondages étaient publiés, ils semblaient disparaître.»
Spécialiste de l'opinion publique en matière d'éducation et de démocratie scolaire, Jean-Pierre Proulx considère les sondages comme d'excellents indicateurs de la fluctuation des valeurs propres à l'école et au système scolaire. Lui-même a utilisé les données tirées de sondages dans plusieurs travaux de recherche sur la religion à l'école, la restructuration du système ou les élections scolaires.
Depuis sa collection de timbres qu'il n'est pas parvenu à constituer alors qu'il était enfant, comme il l'a confié au lancement d'Opinéduq, M. Proulx a toujours eu «l'obsession du classement». Il s'est donc consacré avec détermination et patience à cet outil qui comprend 508 sondages depuis 1943. On y retrouve 7055 questions et résultats chiffrés qu'on peut consulter par thèmes, mots clés ou années de publication. Sans prétendre à l'exhaustivité, la banque de données est aussi complète que possible et a demandé un grand nombre d'autorisations afin de respecter les droits d'auteur. Au terme de plusieurs années de travail, la mission est accomplie. «Cette banque ne contient pas toutes les enquêtes et tous les sondages menés sur l'éducation au Québec tout simplement parce que le soussigné n'en connaît pas l'existence», indique Jean-Pierre Proulx dans l'introduction. Il invite donc les collègues à lui faire découvrir les sondages qui auraient pu lui échapper afin qu'il les indexe dans la prochaine édition.
Pour les chercheurs, les étudiants et toute personne curieuse des sujets relatifs à l'éducation, l'intérêt de posséder un tel répertoire, a dit M. Proulx à Forum, est de pouvoir accéder à la matière première de sondages qui n'ont parfois eu que peu d'écho dans la presse. Souvent, les questions sur l'éducation sont posées parmi des dizaines d'autres dans des sondages fort diversifiés (sondages omnibus) et n'ont donc qu'un faible retentissement. Le chercheur est conséquemment mieux servi par Opinéduq que par un répertoire d'articles de journaux et de magazines. «En ayant accès au libellé des questions posées à différentes époques, on peut comparer ce qui est comparable, fait-il remarquer. Et sans la médiation des journalistes.»
Quelques surprises
Le chercheur a eu quelques surprises en rassemblant les sondages. «L'une des choses qui m'a le plus étonné, c'est d'apprendre que l'éducation ne jouissait jamais de la première place dans l'ordre des priorités des gens. En général, elle n'est une priorité que pour 10 % de la population. Ou moins.»
Voici une autre surprise qui réconfortera les enseignants qui se croient mal-aimés. «D'après les sondages consultés, les enseignants arrivent parmi les premiers chez les professionnels les plus respectés. Les Québécois ont aussi confiance en eux qu'en leurs pompiers, médecins ou infirmières.»
Le professeur a pu compter sur la participation de plusieurs organismes et unités comme l'Université de Montréal, le Labriprof-CRIFPE-Montréal, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des commissions scolaires du Québec, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le ministère de l'Éducation du Québec.
Mathieu-Robert Sauvé