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John Brown, son chapeau de magicien et son lapin en peluche, «plus facile à passer aux douanes qu’un vrai». |
Un cylindre dans lequel sont aspirées des particules de lumière, un lapin qui s’envole dans l’espace à la vitesse d’une fusée, une pièce de 10 ¢ qui traverse une membrane sans la trouer et un jeu de cartes dont les images disparaissent et apparaissent à l’avenant. Voilà quelques trucs que l’«astrophysicien royal» d’Écosse John Brown a sortis de son chapeau pour illustrer, devant 400 personnes le 20 janvier dernier, des concepts régissant l’Univers. «Black Holes and White Rabbits» («Trous noirs et lapins blancs»), tel était le titre de la conférence inaugurale de l’Année internationale de la physique à l’Université de Montréal.
«Jusqu’à l’âge de 16 ans, j’ai détesté la physique, a confié le conférencier. C’était un chimiste qui nous enseignait cette matière et il était nul. En revanche, lorsque j’ai découvert l’astrophysique, je ne me suis plus jamais ennuyé.»
Le professeur Brown a retenu la leçon et, même s’il est un chercheur réputé, auteur de plus de 300 publications savantes, il s’efforce de présenter des conférences accessibles au plus grand nombre. Invité dans les écoles et les assemblées de profanes, il met depuis 20 ans ses talents de prestidigitateur au service de la science, ce qui lui a valu plusieurs honneurs.
Après tout, on n’est pas loin de la réalité lorsqu’on utilise un haut-de-forme comme métaphore d’un trou noir. Dans l’espace, certaines étoiles massives (au moins six fois plus grosses que notre soleil) se transforment en mourant en supernovas. Celles-ci risquent de devenir des trous noirs, ces objets cosmologiques fascinants qui intriguent tant les astronomes. Un trou noir, c’est un chapeau des milliards de fois plus dense que tous les corps que nous connaissons et qui attire en lui toute matière s’en approchant. Même la lumière s’y engouffre. «Tout corps aurait la faculté de devenir un trou noir, explique le chercheur. Encore faudrait-il le comprimer suffisamment. Transformé en trou noir, notre soleil, par exemple, n’aurait plus que deux kilomètres de diamètre.»
La conférence a surtout porté sur les questions les plus fréquemment posées par le public à propos de ces phénomènes. Que sont les trous noirs? De quoi sont-ils faits? Quelle est leur densité? Comment les voit-on? Que provoquent-ils dans l’espace et dans le temps? Sommes-nous dans un trou noir? Des participants ont profité de l’occasion pour interroger le conférencier sur un point intéressant: si l’on plonge dans un trou noir, que se passe-t-il?
Aide-mémoire
Le directeur du Département de physique, Laurent Lewis, a dit avoir bien aimé l’aspect léger quoique rigoureux de cette conférence. «Je suis tourné depuis un bon moment déjà du côté de la physique expérimentale, ce qui est bien différent de l’astrophysique, explique-t-il. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas assisté à un exposé sur les trous noirs. C’est toujours intéressant de se faire rappeler des notions comme celles-là.»
Les commentaires exprimés par les spectateurs allaient dans le même sens, mentionne M. Lewis, qui a lui-même servi de volontaire à une démonstration. Le magicien lui a demandé d’appuyer sur une pièce de 10 ¢ qui, sous les yeux de l’assemblée, a disparu dans un contenant... façon de montrer que la matière captée par un trou noir ne peut pas s’échapper.
Le lendemain, John Brown a donné une présentation devant quelque 250 professeurs et étudiants en physique et en mathématiques. Sa conférence a porté sur des phénomènes plus diversifiés, des planètes exotiques à la physique quantique. François Schiettekatte, professeur au Département de physique et responsable de l’Année internationale de la physique, y était. «Le professeur Brown nous a parlé de son approche visant à intéresser les gens aux concepts les plus complexes de la physique, le principe d’incertitude par exemple, sans les égarer. C’était très intéressant.»
De l’avis général, l’astrophysicien écossais a lancé de belle façon les activités de cette année internationale. Une invitation toute particulière est lancée à la communauté universitaire afin de la convier à la prochaine conférence, donnée par Stéphane Durand. Pour plus d’information, visitez le site <www.phys.umontreal.ca/aip2005>.
Mathieu-Robert Sauvé