Édition du 31 janvier 2005 / volume 39, numéro 19
 
  Bien manger est une habitude qui s’oublie
Les Québécois connaissent les bons aliments, mais succombent volontiers aux publicités des chaines de restauration rapide, omniprésentes à la télévision

«15 tranches de pain blanc, 15 contenants de beurre et 13 morceaux de sucre, voilà ce que vous consommez lorsque vous commandez un “trio”», rappelle la nutritionniste Isabelle Huot.

Au Québec, l’excès de poids et l’obésité sont plus répandus chez les familles des régions rurales. Pour la nutritionniste Isabelle Huot, qui vient de publier les résultats d’une vaste étude sur les habitudes alimentaires des Québécois dans le Journal of Obesity, les organismes de santé publique doivent cibler cette clientèle s’ils veulent limiter les ravages causés par les maladies du cœur.

«C’est apparu très clairement dans notre étude, explique-t-elle. Dans les régions rurales, l’alimentation est souvent moins variée et les aliments santé moins nombreux. Plusieurs font leurs courses au dépanneur du coin, ce qui limite l’accessibilité aux aliments moins gras.»

Au cours de sa recherche de doctorat menée à l’Université auprès de 10 014 individus des régions de Montréal, Fabreville et Rivière-du-Loup, Mme Huot a questionné des parents de jeunes enfants de divers milieux socioéconomiques. La première partie de son étude confirme que les non-fumeurs et les sportifs sont moins aux prises avec un excès de poids que la population en général. L’enquête démontre aussi que les hommes consomment plus de mauvais gras que les femmes et que l’incidence de l’obésité s’accroit avec l’âge.

Mais la chercheuse a voulu aller plus loin et mesurer l’impact du Projet québécois de démonstration en santé du cœur sur le changement des habitudes alimentaires. Elle a donc constitué un échantillon de près de 5000 personnes auxquelles elle a fait remplir un questionnaire et, quatre ans plus tard, elle les a de nouveau interrogées pour savoir si leurs comportements avaient changé.

Résultat? «Les gens n’avaient pas modifié significativement leurs habitudes, confie-t-elle à Forum. Le message des nutritionnistes passe bien auprès de la population, mais on dirait qu’elle oublie vite...»

Comment faire?

À quoi servent les nutritionnistes alors? Pour Isabelle Huot, les campagnes de sensibilisation à une saine alimentation ont une influence certaine. Les messages concurrents sont simplement plus forts. «Les gens ont accès à beaucoup d’autres sources d’information moins crédibles, la publicité télévisée par exemple», déplore-t-elle.

En tout cas, cette professionnelle a choisi une voie inusitée pour faire passer le message des nutritionnistes: les médias. Chroniqueuse en alimentation à Salut bonjour et Tonus (TVA), elle signe des rubriques dans L’actualité médicale, Capital santé, Elle Québec, Madame, Le marché express, 7 jours et Les lettres gastronomiques. Sans compter sa pratique clinique, une journée par semaine. Elle avoue travailler sept jours sur sept et parfois jusqu’à une heure avancée. Mais elle ne s’en plaint pas. «Pour l’instant, l’alimentation est à la mode. Tant mieux si l’on se soucie davantage de ses choix alimentaires, la santé de la société ne pourra que s’améliorer.»

Invitée à commenter les valeurs nutritives des plats offerts par les chaines de restauration rapide au bulletin d’information de TVA, en novembre dernier, elle a déposé devant elle 15 tranches de pain blanc accompagnées d’autant de contenants de beurre. Puis elle a jeté 13 morceaux de sucre dans un verre et s’est tournée vers la caméra pour dire: «Voici ce que vous consommez quand vous commandez un “trio”.»

L’auditoire a réagi vivement à cette prestation. «Je n’hésite pas à employer ce genre d’image pour montrer aux gens à quel point on les berne», indique-t-elle.

De l’OMS à TVA

Isabelle Huot recourt parfois à la restauration minute, mais en troquant le hamburger contre des légumes et du poisson qu’elle fait revenir dans le wok quelques minutes.

Isabelle Huot ne se destinait pas à une carrière dans les médias. «Ce que je voulais faire quand j’étais jeune, c’est travailler dans le tiers-monde. Je me voyais coopérante pour l’Organisation mondiale de la santé.»

Elle a en partie atteint son objectif puisqu’elle a notamment coordonné un projet international réunissant la Belgique, la Suisse, la France et la Tunisie. Alors qu’elle habitait à Genève et travaillait à plusieurs projets, un voyage au pays la fait dévier de sa route.

De passage au Québec, elle est invitée à tourner un message publicitaire sur les bienfaits de l’ail. Elle est aussitôt remarquée. Cette femme rayonnante et déterminée crève l’écran. Elle dégage de l’assurance mais aussi de la sensibilité.

Ses multiples chroniques font d’elle une espèce de globetrotteuse de la nutrition. Elle couvre des salons de l’alimentation en Europe et ailleurs, ce qui lui permet de demeurer au courant de toutes les tendances. «Actuellement, je suis très heureuse du rayonnement que je peux donner à mes connaissances. Je me sens utile.»

Isabelle Huot est très fière de son parcours universitaire et elle demeure en lien avec le Département de nutrition de la Faculté de médecine. Plusieurs stagiaires font appel à son expérience dans les médias au cours de leur formation. «Mon doctorat m’a demandé beaucoup de travail, mais cela a valu la peine», dit-elle.

On l’avait prévenue que le travail intellectuel rigoureux que nécessite un doctorat risquait d’être incompatible avec ses nombreux engagements. «Je savais dans quoi je m’embarquais. Je ne suis pas une femme qui abandonne ce qu’elle entreprend», lance-t-elle.

Et la restauration minute, pour elle, ce n’est pas du surgelé ou des hamburgers de McDonald’s. «J’aime beaucoup le poisson et les fruits de mer. Même quand je suis pressée, je prends le temps de me faire revenir dans le wok quelques pétoncles avec des légumes. Ce n’est pas plus long.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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