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Dan S. Hanganu |
Pour Dan S. Hanganu, l’architecture est un message culturel véhiculant les habitudes et les mœurs d’une époque donnée. Cependant, à voir certaines constructions contemporaines, il s’interroge sur le message transmis aux générations futures.
«De la même manière qu’on voit dans les musées, accolées à certaines œuvres, les mentions “Époque romaine” ou “Époque hellénistique”, verrons-nous sur des bâtiments construits aujourd’hui la mention “Construit en 1880” ou “Érigé en 2005”?» M. Hanganu est bien placé pour tenir de tels propos puisqu’il a lui-même magnifiquement contribué à former le visage moderne de Montréal. On lui doit notamment le spectaculaire complexe de HEC Montréal, le Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal Pointe-à-Callière, le pavillon de design de l’UQAM, le complexe du Cirque du Soleil, la bibliothèque de droit de l’Université McGill, le Théâtre du Nouveau Monde et l’église abbatiale de Saint-Benoît-du-Lac.
M. Hanganu s’adressait le 2 février à des étudiants de l’Université à l’invitation de l’École de design industriel. C’est devant un amphithéâtre plein à craquer qu’il a livré sa vision de l’architecture, avec un sens critique aigu mais également beaucoup d’humour. À plusieurs reprises, il a exhorté les étudiants à utiliser l’environnement dans lequel ils travaillent plutôt que de chercher à le nier.
Sources profondes
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HEC Montréal |
Parlant de sa propre expérience, l’architecte a raconté comment, pour mieux saisir l’esprit animant les moines de Saint-Benoît-du-Lac, il s’est imprégné d’informations sur la religion catholique. Or, quel ne fut pas son étonnement de s’entendre féliciter, après qu’il eut terminé l’église, pour avoir apporté un détail de mystique byzantine au bâtiment!
«J’avais oublié et j’ai alors revu en esprit un monastère de mon pays, datant des années 1600», relate-t-il avant d’enchainer: «Certains gestes nient l’accumulation de savoir et d’éducation.»
Dan S. Hanganu est né en Roumanie et a émigré au Canada à l’âge de 29 ans, après avoir obtenu son diplôme d’architecte à l’Université de Bucarest. En 1980, il ouvre son bureau à Montréal et s’impose graduellement comme une des figures de l’architecture du Québec. À partir de 1990, il se lance dans plusieurs projets d’envergure qui s’avèrent autant de réussites.
Mercredi dernier, devant les étudiants, il a expliqué qu’il essaie toujours de s’adapter à la philosophie de son client. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci jouera le jeu! Ainsi, pour le complexe du Cirque du Soleil, le créateur a voulu intégrer des jeux de miroirs et de couleurs, rappelant, avec les matériaux appropriés, le caractère éphémère du cirque. «J’ai voulu des murs où tous se voient, puis se cachent», explique-t-il en ajoutant, non sans malice, que les gens du Cirque se sont opposés à ce que des miroirs soient installés sur les planchers des ascenseurs, jugeant que ce serait dangereux. En revanche, pour HEC Montréal, le recours à des colonnes renvoie à l’aspect souverain du savoir. Et toujours, dans toute entreprise, l’utilisation de la lumière, de manière à voir des morceaux de ciel si possible. «La lumière est un grand attrait de la construction», dit celui qui juge qu’un chantier de construction est «mille fois plus intéressant qu’un bâtiment fini».
Paule des Rivières