Édition du 14 février 2005 / volume 39, numéro 21
 
  Le harcèlement psychologique serait en hausse
Le nombre de cas soumis au Bureau d’intervention en matière de harcèlement a plus que doublé depuis la modification du règlement

Pascale Poudrette

À l’Université de Montréal, la semaine du 14 février n’est pas que celle de la Saint-Valentin; c’est aussi la semaine de prévention du harcèlement sous toutes ses formes.

Depuis septembre 2003, la politique contre le harcèlement sexuel de l’UdeM englobe le harcèlement psychologique, devançant ainsi la loi québécoise de presque un an. «Il existait déjà des recours contre le harcèlement sexuel, le harcèlement criminel et la discrimination raciale, mais l’ajout du harcèlement psychologique a constitué une nouveauté», signale Pascale Poudrette, responsable du Bureau d’intervention en matière de harcèlement.

Harcèlement psychologique

Qu’entend-on par harcèlement psychologique? Selon la loi québécoise et le règlement de l’Université, une conduite doit présenter quatre caractéristiques pour être considérée comme du harcèlement: être vexatoire, humiliante ou offensante, et ce, de façon répétée; avoir un caractère hostile non désiré; porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique; et créer un climat de travail ou d’étude intimidant ou hostile.

«Pour déterminer si un comportement est vraiment vexatoire, on applique le critère de la “personne raisonnable”, qui consiste à se demander si, dans les mêmes circonstances, une autre personne conclurait elle aussi que la situation dépasse ce à quoi on est en droit de s’attendre dans un milieu de travail, précise Mme Poudrette. De plus, un cas d’inconduite grave qui ne serait survenu qu’une seule fois mais qui aurait des conséquences répétées et continues pourrait aussi être jugé comme un acte de harcèlement.»

L’intention du harceleur n’est pas prise en considération. Cela signifie que les gestes ou les propos n’ont pas à avoir été faits ou lancés délibérément dans le but de porter atteinte à l’intégrité psychologique; ce qui compte, ce sont les effets sur la personne visée.

Le type de situations susceptibles d’être considérées comme du harcèlement psychologique peuvent être, par exemple, d’empêcher quelqu’un de s’exprimer, de détruire le travail accompli, d’isoler une personne en la privant d’informations nécessaires, de répandre des rumeurs sur quelqu’un, d’humilier une personne en public, de l’obliger à accomplir des tâches absurdes ou dévalorisantes, de se moquer de ses convictions, etc.

On est spontanément porté à croire que le harcèlement est l’affaire d’un supérieur à l’égard d’un subordonné, mais cette perception est erronée. «Il existe de nombreux cas de “harcèlement horizontal”, comme entre deux professeurs pour l’obtention d’un titre ou entre un employé syndiqué et un autre non syndiqué, souligne la responsable. Dans le cas de harcèlement vertical, on trouve aussi des situations où c’est l’employé qui harcèle un cadre.»

Les plaintes ont doublé

L’introduction du harcèlement psychologique dans le règlement a considérablement modifié le travail du Bureau d’intervention. «Le nombre de cas signalés et de demandes d’information a plus que doublé», affirme Pascale Poudrette.

De juin 2003 à mai 2004, le Bureau a enregistré 130 cas de harcèlement et demandes d’information; pour le seul trimestre d’automne 2004, le nombre est déjà de 138. Selon la responsable du Bureau, les plaintes pour harcèlement sexuel demeurent stables; ce sont les demandes de consultation pour harcèlement psychologique qui sont en hausse.

Ce genre de situation est plus complexe à gérer que le harcèlement sexuel, où l’on trouve habituellement une victime et un agresseur. «Dans les cas de harcèlement psychologique, les deux personnes en cause peuvent avoir une conduite vexatoire, soutient Pascale Poudrette. Très souvent, il s’agit de conflits de travail non réglés qui ont dégénéré.»

Intervention et prévention

Quand un cas de harcèlement est soumis au Bureau d’intervention, la responsable agit à titre de médiatrice entre les parties pour que celles-ci parviennent à une entente. La majorité des litiges sont réglés soit de cette façon, soit par des séances de formation destinées à un groupe en particulier.

Si ces interventions ne suffisent pas, il y a dépôt d’une plainte. Certains dossiers peuvent être soumis au comité de discipline ou entrainer la relocalisation d’une des personnes en cause. Les employés peuvent aussi recourir à la Loi sur les normes du travail et porter leur cause devant le Tribunal du travail. «Les employeurs ont donc intérêt à faire de la prévention», souligne Mme Poudrette.

La loi, comme le règlement en vigueur à l’UdeM, oblige d’ailleurs l’employeur à prévenir le harcèlement et à intervenir lorsque des cas sont signalés. C’est dans cette optique que se tient la semaine de prévention. Les 15, 16 et 17 février, des kiosques seront installés dans le couloir du pavillon 3200 Jean-Brillant afin de sensibiliser la communauté universitaire aux facteurs de risque et de l’informer des recours possibles quand survient un acte de harcèlement.

«Le message lancé est celui de la tolérance zéro en matière de harcèlement», déclare Pascale Poudrette.
L’information sur le règlement, les démarches et les recours est accessible sur le site du Bureau d’intervention, au <www.harcelement.umontreal.ca>.

Daniel Baril



 
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