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Dominique Davidson, André Veillette et Xiaochu Shi sont en voie de résoudre l’énigme biochimique de certaines maladies auto-immunes. |
Les quelque 100 000 Canadiens atteints de diabète juvénile, de lupus et d’arthrite rhumatoïde pourraient voir leurs douleurs soulagées sous peu grâce à une équipe de chercheurs de l’Institut de recherches cliniques de Montréal.
Les chercheuses Dominique Davidson, Shaohua Zhang et Xiaochu Shi, sous la direction du Dr André Veillette, aussi chercheur à la Faculté de médecine, ont réussi à mettre au jour l’un des mécanismes qui contrôlent la production d’anticorps par les lymphocytes B, des cellules normalement chargées de combattre les infections. Cette percée majeure pourrait révolutionner le traitement des maladies auto-immunes.
«L’énigme du point de vue biochimique est devenue une révélation biomédicale», confie à Forum le Dr Veillette, actuellement sollicité par plusieurs compagnies américaines pour exploiter la découverte présentée récemment dans la revue Immunity.
Plus particulièrement, l’étude démontre un lien entre trois éléments: un récepteur (SLAM) situé à la surface des lymphocytes T, une protéine (SAP) située dans la cellule et une enzyme (FynT) située également à l’intérieur de la cellule. Grâce à des expériences effectuées sur des souris ayant subi des manipulations génétiques qui inhibent ces protéines, les Drs Davidson, Shi, Zhang et Veillette ont montré l’importance des liens en cascade entre slam, SAP et FynT pour les fonctions normales des lymphocytes T. L’élimination de l’une ou l’autre de ces molécules permettrait ainsi de bloquer la capacité des lymphocytes T à stimuler la production d’anticorps par les lymphocytes B, responsables des maladies auto-immunes.
Il s’agit de la plus récente découverte du groupe de recherche d’André Veillette qui, au cours de la dernière décennie, a identifié et caractérisé de nombreuses molécules intracellulaires dont le rôle est fondamental dans la réponse immunitaire. Ses travaux ont fait l’objet de publications en 2001 et 2003 dans les revues scientifiques Nature Immunology et Nature Cell Biology.
Un expert reconnu à l’échelle internationale
Les maladies auto-immunes sont caractérisées par une activité excessive des lymphocytes T, souligne le Dr Veillette. «Lorsque ces cellules s’excitent, elles activent les lymphocytes B, qui finissent par sécréter tellement d’anticorps que ces derniers se retournent contre l’organisme», explique-t-il. Dans le cas du diabète juvénile, c’est le pancréas qui est durement touché alors que ce sont les reins et la peau, dans le cas du lupus, qui subissent les agressions. Dans le cas de l’arthrite rhumatoïde, les excès d’anticorps entrainent une dégradation des tissus, notamment dans les articulations.
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L’arthrite entraine parfois de pénibles maux de dos. |
Pour l’instant, on utilise des corticostéroïdes ou des agents chimiothérapeutiques pour combattre les maladies auto-immunes. «Ça marche souvent, mais il y a de nombreux effets secondaires, signale le Dr Veillette. Vous savez, lorsqu’on traite les malades avec de gros “canons”, on supprime aussi de façon globale la réponse immunitaire. Les gens deviennent alors sensibles à toutes sortes d’infections.»
Les avancées de l’équipe de recherche du Dr Veillette pourraient bien changer la donne. «Nos résultats ouvrent la voie à la mise au point d’inhibiteurs spécifiques qui pourraient bloquer les réponses immunitaires excessives», dit-il.
Cette filière est si prometteuse que, moins d’un mois après la parution de l’article dans la prestigieuse revue de biologie moléculaire, en novembre dernier, Amgen, la plus grosse compagnie de biotechnologie du monde, avait communiqué avec le directeur du laboratoire d’oncologie moléculaire pour lui offrir de collaborer à des expériences.
Il faut dire que le Dr Veillette est reconnu à l’échelle internationale comme un leader dans le domaine de la signalisation intracellulaire. À 45 ans, cet oncologue de formation et titulaire d’une chaire de recherche du Canada est financé par les plus grands organismes subventionnaires, dont l’Institut national du cancer du Canada, le Réseau canadien pour l’élaboration de vaccins et d’immunothérapies et les Instituts de recherche en santé du Canada.
Grâce à ces contributions récentes, on peut s’attendre à ce que ce chercheur, couronné de nombreuses distinctions, dont le prix Merck Frosst 2000 de la Société canadienne de biochimie et de biologie moléculaire, soit remarqué par d’autres jurys de prix importants.
Dominique Nancy