Grand amoureux des mots, Michel Hannequart aime aussi jouer au hockey, faire du camping et s’adonner à la photographie.

Quel mot de deux lettres est à la fois une note de la gamme, une divinité égyptienne et une ile? Autre devinette: pour la draguer, il faut aller dans son lit. La réponse est un mot de sept lettres.

Des énigmes comme celles-là, Michel Hannequart en a plein la tête. Pourtant, il n’est pas un amateur de jeux de lettres! «Je me contente de les créer», dit en souriant le verbicruciste. À 48 ans, il n’a rien de l’intellectuel sombre et distant, l’image stéréotypée que plusieurs se font de lui. Au contraire, cet adepte de hockey et de plein air qui ressemble un peu au chansonnier Michel Rivard est plutôt du type bon vivant. «Je m’amuse beaucoup à faire ce que je fais», affirme-t-il.

L’auteur de la célèbre grille des mordus est très prolifique. Il livre chaque année un nombre faramineux de jeux de l’esprit qui sont publiés notamment dans les quotidiens La Presse, Le Nouvelliste et Le Soleil ou encore sur son site Internet (www.hannequart.com). Seulement pour le journal La Presse, il conçoit quotidiennement un mot mystère et une grille de mots croisés en plus de celle du samedi et de la Grille thématique du dimanche. La Supergrille et la Grille blanche paraissent quant à elles une fois par mois. Le neuvième tome Les mordus vient tout juste de sortir aux Éditions Rudel Médias et Ludipresse. «Vous savez, c’est difficile d’estimer la quantité, souligne M. Hannequart. Je peux produire 10 grilles par jour alors qu’une autre peut exiger une semaine de travail. Tout dépend du degré de difficulté.»

Voilà plus de 25 ans qu’il asticote les neurones des amateurs de mots croisés (de leur vrai nom les cruciverbistes). C’est que ses grilles ne sont pas toujours faciles. Mais il sait y glisser une pointe d’humour, qui ne peut que vous faire aimer passer du temps à essayer de les résoudre. «Michel Hannequart excelle dans les questions pièges. C’est un tordu!» lance à la blague le photographe de Forum, Bernard Lambert, un fervent cruciverbiste.

Jouer avec les mots

L’intérêt que suscitent les mots croisés de Michel Hannequart est indéniable, comme l’a déjà fait remarquer l’ex-éditeur adjoint de La Presse, Claude Masson. «Des centaines de plaintes nous parviennent dans l’heure suivant la livraison du journal si une erreur s’est glissée dans les mots croisés ou si, par inadvertance, ils ne sont pas publiés. Les lignes téléphoniques sont littéralement prises d’assaut», déclarait-il dans un éditorial.

Michel Hannequart lui-même reçoit plusieurs courriels du public. Certains pour le féliciter, d’autres pour se plaindre du niveau de difficulté ou pour signaler une erreur. Et il y a tous ceux qui pensent avoir trouvé des fautes. «Les gens sont contents de nous prendre en défaut», indique la conjointe de Michel Hannequart, Martine Ferron, une ancienne avocate convertie en verbicruciste. «Elle a laissé le barreau pour les grilles», commente son partenaire de crime depuis de nombreuses années.

Michel Hannequart, manifestement, est un amoureux des mots. C’est d’ailleurs l’amour de la langue française et de l’orthographe qui a mené le fils de Maurice Hannequart à ce métier, tout comme sa mère et l’une de ses sœurs. «Mon père m’a initié à la tâche de la construction des mots croisés alors que j’étais encore au secondaire. Au début, je ne rédigeais que les définitions, ma mère s’occupait des grilles.» Très rapidement, il s’investit de plus en plus, car son père est submergé de travail. C’est ainsi que Michel crée la Grille thématique pour La Presse puis, lorsque son père, un Français d’origine, décide de retourner définitivement en France, il reprend à son compte la désormais très populaire Grille des mordus.

Mais c’est sans contredit la Grande Grille, axée sur l’actualité et publiée quatre fois par année, qui est sa préférée. «C’est un travail qui exige beaucoup de minutie. Même si la réalisation en est très ardue et qu’elle requiert une semaine entière de travail, je m’amuse beaucoup.»

Des définitions futées

L’élaboration d’une grille repose sur deux opérations, explique Michel Hannequart. La première s’appelle la potence. C’est l’échafaudage sur lequel se structure la grille à partir du premier mot horizontal et du premier mot vertical. «À l’étape suivante, je propose mes définitions ou énigmes, que je tente de rendre le plus astucieusement possible; c’est un jeu auquel je me livre avec plaisir», révèle-t-il, laissant deviner que c’est dans ce tour de force qu’il met à l’épreuve son habileté.

Une grande partie de son art consiste en effet à énoncer des définitions futées. Car, bien sûr, on trouve dans tous les jeux de lettres des mots rares et savants que seuls les initiés connaissent, comme Éon pour le chevalier né à Tonnerre. Mais les bons mots croisés portent sur des mots courants, tout simples, qu’il faut découvrir à partir d’une définition juste et inattendue. «Par exemple, la définition “Nous fait part de ses réflexions” décrit subtilement l’objet qu’est un miroir. Ou encore “la salle du trône” pour les toilettes», illustre M. Hannequart.

Autre défi : produire une grille avec le moins de cases noires possible. C’est le Graal de tout verbicruciste ferré. «La case noire est en quelque sorte la solution de facilité», soutient Michel Hannequart. C’est pourquoi concevoir des mots croisés avec peu de cases noires est la quête de tout bon concepteur.

«Heureusement, il y a les dictionnaires pour nous aider», ajoute-t-il humblement avant de préciser qu’il y a peu de différence entre un cruciverbiste et un verbicruciste. «Le premier fait des mots croisés et le second fait des mots croisés», déclare-t-il en plaisantant. Le style, c’est l’homme.

Dominique Nancy

Réponse aux devinettes du premier paragraphe: 1. re est une note de la gamme, une divinité égyptienne et une ile; 2. riviere.