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Daniel Weinstock |
Trois sujets qui divisent les parlementaires canadiens feront l’objet d’un débat public à l’occasion d’un colloque d’une journée à l’UdeM cette semaine. La religion à l’école, le mariage homosexuel et les tribunaux islamiques sont au menu du colloque Religion, droit et société, organisé par le Centre de recherche en éthique de l’UdeM (CREUM), le Centre d’études ethniques des universités montréalaises et la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau.
Ce vendredi 18 mars, des universitaires, des journalistes ainsi que des membres de groupes d’intérêts et du public se réuniront pour débattre ces questions brulantes d’actualité qui mettent à l’épreuve les mécanismes juridiques canadiens.
Pour les personnes désireuses de participer à cette rencontre ou simplement intéressées par ces questions, en voici un aperçu.
La religion à l’école
Le gouvernement du Québec maintiendra-t-il les cours d’enseignement religieux catholique et protestant dans les écoles publiques à l’exclusion des autres religions? C’est la question qui vient immédiatement à l’esprit dans ce dossier. Il y a cinq ans, pour pouvoir conserver une partie de l’ancien système confessionnel – ce qui allait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés –, la province a eu recours à la clause dérogatoire. Or, cette clause arrive à échéance en mai prochain.
Le gouvernement cèdera-t-il aux parents qui souhaitent voir la religion faire partie intégrante de l’éducation de leurs enfants? Ou se rangera-t-il plutôt du côté des 75 % des Québécois qui, dans un récent sondage, se sont prononcés en faveur de la laïcisation complète du système scolaire?
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Luc Tremblay |
Le mariage homosexuel
En février, le ministre fédéral de la Justice, Irwin Cotler, a déposé le projet de loi sur le mariage civil, visant à permettre aux conjoints de même sexe de se marier. Mais ce projet de loi ne forcera aucune institution religieuse à célébrer ces mariages. Le projet recevra-t-il l’aval des parlementaires? Une province comme l’Alberta peut-elle se soustraire à l’application de la Charte en invoquant la clause dérogatoire? (La plupart des spécialistes estiment que non, puisqu’il s’agira d’une loi fédérale et qu’en conséquence elle échappera au pouvoir législatif des provinces.) Bien que le projet ait toutes les chances d’être adopté, il est dénoncé par divers représentants religieux, de même que par le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, qui semble courtiser les éléments les plus traditionalistes des groupes ethniques. Qui remportera ce bras de fer? Les groupes d’opposition auront-ils recours aux tribunaux pour obtenir gain de cause?
Les tribunaux islamiques
La question des tribunaux islamiques fait l’objet d’un débat houleux en Ontario. L’ancienne procureure générale de la province a publié en décembre dernier un rapport qui concluait à la possibilité de prévoir, dans le cadre de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario, le recours à une série de lois d’inspiration islamique, appelée charia, pour résoudre certains litiges civils, y compris le divorce. Ce rapport a été dénoncé avec véhémence notamment par des groupes de femmes musulmanes, qui estiment que la charia prive les femmes de leurs droits dans tous les pays qui l’appliquent. Deux anciens ministres du cabinet ontarien sont à examiner le dossier. L’utilisation de la charia vise-t-elle simplement à désengorger les tribunaux et à permettre aux communautés de recourir à leurs propres mécanismes de règlement des différends ou s’agit-il d’un moyen détourné pour un groupe religieux de déroger à la Charte?
Daniel Weinstock, coorganisateur du colloque et professeur au Département de philosophie, souligne que chacune de ces questions permet de tester la Charte, d’où l’importance de l’évènement. Il craint que le recours abusif à la clause dérogatoire par des groupes qui considèrent qu’elle peut être invoquée pour régler le moindre débat ne mène à l’affaiblissement de la Charte. M. Weinstock signale qu’à l’opposé on trouve ceux qui tiennent la Charte pour sacrosainte et qui estiment que la clause dérogatoire a été conçue dans le seul but de faire accepter la Charte par les provinces récalcitrantes et que par conséquent elle est vide de sens. «Les deux positions ont le mérite d’être simples: l’une préconise le recours à la clause dérogatoire à tout coup et l’autre jamais. Il faut définir une position intermédiaire.»
Daniel Weinstock et la coorganisatrice Micheline Milot, professeure à l’UQAM, ont convié 11 universitaires et journalistes à participer au colloque, dont l’éditorialiste du Devoir, Josée Boileau, qui a couvert le débat sur la religion à l’école. Dans une récente chronique, elle a écrit que le manque de leadership politique a exacerbé les contradictions dans la population et créé un climat d’incertitude dans les écoles. Elle mentionne en outre qu’il a fallu des décennies pour bâtir une société laïque «et que seules les tergiversations politiciennes en bloquent l’aboutissement».
Parmi les autres intervenants figureront Luc Tremblay, professeur de droit à l’UdeM, Colin MacLeod, chercheur invité au CREUM, ainsi que Roderick Macdonald, professeur de droit à l’Université McGill et lauréate Trudeau, et Robert Leckey, de l’Université de Toronto et boursier Trudeau. Tous feront de brèves présentations pour donner au public et aux membres des groupes invités le temps d’exprimer leur point de vue.
Philip Fine
Traduit de l’anglais par Simon Hébert
Colloque Religion, droit et société, vendredi 18 mars de 8 h 30 à 17 h 30, Pavillon J.-Armand-Bombardier, salle 1035. L’entrée est libre. Pour plus d’information: Bettina Cenerelli, (514) 938-0001 ou <cenerelli@fondationtrudeau.ca>.