Le sol a tremblé pendant 24 secondes dans l’est du Québec le 6 mars dernier, ce qui a tiré de leur sommeil des centaines de gens de la région de Rivière-du-Loup. Selon le journal Le Soleil, ce séisme de 5,4 sur l’échelle de Richter était le plus puissant depuis un demi-siècle dans la zone sismique de Charlevoix-Kamouraska. Il s’agissait du deuxième tremblement de terre en quelques jours puisque la région de Huntingdon a aussi été secouée le 4 mars par un séisme de 5,3.
Faut-il craindre les tremblements de terre au Québec? «Non, répond calmement Michel Chouteau, professeur de géophysique appliquée à l’École Polytechnique. En raison de notre sous-sol composé de très vieilles roches granitiques, les tremblements de terre ont ici peu d’impact, comparativement aux lieux où le sous-sol est argileux. De plus, le Québec n’est pas situé dans une zone tectoniquement active comme à la rencontre de plaques.»
En matière de séismes, le Bouclier canadien porte bien son nom. Il nous protège en absorbant une grande partie de l’énergie dégagée sous la terre lorsque les masses minérales se déplacent. Dans des endroits comme le Mexique, la Californie ou l’Alaska, le sous-sol plus meuble accroit l’énergie de l’épicentre, un peu comme une vague qui prend de l’ampleur à la surface de l’eau. «Dans l’est de l’Amérique du Nord, un séisme de 6,0, comme celui qui s’est produit dans la région de Chicoutimi en 1988, fera tomber quelques boites de conserve des tablettes de supermarchés, alors qu’au Mexique des vitres éclateront et des routes se lézarderont.»
L’amplification des secousses sismiques dans les terrains meubles n’est qu’un aspect de l’étude des tremblements de terre. Le défi le plus grand, c’est de prévoir avec exactitude l’endroit et l’intensité des prochains séismes; et, sur ce point, il reste à la science beaucoup de chemin à parcourir.
À la fin des années 70 et au début des années 80, alors qu’il travaillait pour la Division de la physique du globe, Michel Chouteau a participé dans la région de Charlevoix à des études de suivi des moindres variations du champ tellurique. Son but: essayer de prévoir les tremblements de terre. «Charlevoix est la zone sismique la plus active de l’est du Canada, explique-t-il. La présence de deux failles, l’une sous le fleuve et l’autre sur le rivage, en conjonction avec la cicatrice d’un impact météoritique, fait que cette zone bouge beaucoup sous terre.»
C’est précisément à 17 km au sud-ouest de Rivière-du-Loup, le long de la ligne de Logan, sous le fleuve, que se trouve l’épicentre du plus récent tremblement de terre qui a réveillé les Louperivois. Rien n’empêche de penser qu’une secousse plus violente pourrait survenir. Dans cette région, en 1925, un séisme de 6,2 avait causé plusieurs dégâts et avait été ressenti à 1000 km à la ronde. Pour donner un ordre de grandeur de la mesure universelle des tremblements de terre selon l’échelle de Richter, graduée de 1 à 9, disons qu’un séisme commence à être perceptible pour l’être humain à 3,5 et qu’il crée des dommages à partir de 6,0.
Mais la nature même des tremblements de terre du Québec est différente de ceux que craint la population qui vit le long de la faille de San Andreas, sur la côte ouest de l’Amérique. «Ici, ce n’est pas le mouvement des plaques tectoniques qui fait bouger le sous-sol mais le rebond de la croute terrestre à la suite du retrait des glaces», dit le professeur Chouteau.
En effet, même si la chose peut paraitre étonnante, le sous-sol laurentien continue de se détendre bien que le retrait des glaces se soit achevé il y a une dizaine de millénaires. Libéré du poids gigantesque des glaces, le Bouclier canadien remonte doucement comme un immense matelas qui reprend sa forme. Les séismes occasionnels sont sa façon de dire «Ouf!»
Mathieu-Robert Sauvé