Édition du 4 avril 2005 / volume 39, numéro 27
 
  Les étudiants plus âgés sont les plus pénalisés
Arnaud Sales livre les résultats d'une vaste étude sur les conditions de vie des étudiants québécois à l'université

Arnaud Sales

«Les étudiants ont raison d’affirmer que les compressions dans le système de prêts et bourses toucheront principalement les étudiants en situation économique précaire, dit le directeur du Département de sociologie, Arnaud Sales. De plus, ce sont les étudiants plus âgés, y compris les étudiants de deuxième cycle, qui dépendent le plus de l’aide financière.»

M. Sales sait de quoi il parle puisqu’il est l’auteur, avec Réjean Drolet et Isabelle Bonneau, d’une vaste enquête sur les conditions de vie des étudiants québécois à l’université. Intitulée Le monde étudiant à la fin du 20e siècle, cette enquête se base sur des données recueillies en 1996 par la firme SOM auprès de 2398 d’entre eux et qui ont fait l’objet de plusieurs publications scientifiques.

Cette étude, qui accorde une grande importance au programme québécois d’aide financière, révèle que plus de 47 % des étudiants inscrits à temps plein bénéficient des programmes de prêts et bourses. Aujourd’hui, les données les plus récentes du ministère de l’Éducation, soit pour l’année 2003-2004, établissent ce taux à 37%, ce qui représente une baisse significative. Il reste que les tendances constatées sont encore valides à plusieurs égards. Tout au plus le système d’aide financière a-t-il été indexé au cout de la vie.

«Le monde étudiant à la fin du 20e siècle est profondément marqué par la diversité des trajectoires individuelles, peut-on lire dans un texte publié dans la Canadian Review of Sociology and Anthropology (mai 2001) et qui s’inspire de l’étude de M. Sales. L’impact sur l’âge des étudiants est majeur et la condition étudiante ne peut plus être définie comme une expérience strictement juvénile. [...] L’extention du travail salarié, le recours fréquent au programme de prêts et bourses et l’endettement qui s’ensuit en sont, au moins partiellement, la conséquence.»

Retour aux études

En d’autres termes, les études universitaires ne peuvent plus être associées uniquement à la jeunesse. De nos jours, les universités sont fréquentées par des gens qui effectuent un retour aux études après une ou plusieurs «années sabbatiques». Ces personnes sont donc considérées comme autonomes par l’État et peuvent faire appel aux programmes gouvernementaux de prêts et bourses. La situation est encore plus inquiétante aux cycles supérieurs puisque la moyenne des dettes y est plus élevée que chez les étudiants qui suivent leur cheminement sans interruption.

«La population étudiante vieillit et cela parait dans la répartition des budgets d’aide financière, affirme M. Sales. Chez les étudiants à temps plein, nous avions calculé que 36 % des moins de 20 ans touchaient des prêts et des bourses. Cette proportion grimpe à 59 % chez les 21 à 24 ans et demeure à plus de 54 % par la suite.»

En fait, l’analyse montre que les deux principales sources de revenu des étudiants à temps plein de moins de 23 ans sont le travail estival et la contribution parentale. Après 24 ans, le revenu provient principalement du travail pendant les études et du système de prêts et bourses gouvernemental. «Le programme de prêts et bourses du Québec est la troisième source de revenu chez les étudiants du Québec», apprend-on dans l’article précité.

L’aide financière constitue plus de la moitié du revenu des étudiants en situation précaire, soit ceux qui ont un ou plusieurs enfants, ceux qui n’habitent plus chez leurs parents ou ceux qui sont aux cycles supérieurs. «Sans cette aide financière, craignent les auteurs du Monde étudiant à la fin du 20e siècle, certains étudiants verraient leur revenu diminué d’une façon si importante que la poursuite de leurs études serait sérieusement compromise.»

Un mouvement démocratique

Loin de condamner le mouvement de grève des étudiants, le sociologue indique que les manifestants ont en main une «bonne cause». Il porte même sur sa chemise le carré rouge en signe de solidarité avec les grévistes.

«Jusqu’à maintenant, ce mouvement étudiant m’a semblé fort bien organisé, confie-t-il à Forum. Les leaders sont motivés, sérieux, pondérés et ils procèdent avec démocratie.»

À la différence des mouvements de contestation politique qui caractérisaient les groupes étudiants de mai 1968, celui-ci semble demeurer centré sur la question de l’endettement, élargie par la CASSEE à des revendications de gratuité scolaire. Il reflète des préoccupations propres à un monde étudiant plus professionnalisé tout en favorisant des formes de repolitisation. Toutefois, les associations ont eu tendance à se désolidariser d’un mouvement centralisé. Au Département de sociologie, par exemple, on trouve deux associations étudiantes, qui elles-mêmes se trouvent plus proches de la CASSEE que de la FEUQ. Et l’on trouve aussi d’autres regroupements. «Cette atomisation du mouvement lui enlève un peu de force, mais cela ne semble pas avoir nui à la mobilisation jusqu’à maintenant», juge M. Sales.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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