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Le frère Marie-Victorin |
«Mon révérend frère, il me fait plaisir de vous informer que le conseil de la Faculté des sciences de l’Université de Montréal vous a nommé professeur agrégé de botanique théorique et pratique», écrit le secrétaire de la Faculté, Georges Baril, le 24 août 1920.
À cette lettre manuscrite (la Faculté n’a pas de budget pour engager une dactylo en ces temps difficiles), le jeune savant répond moins de deux semaines plus tard. Dans sa lettre de plusieurs pages soigneusement tapées à la machine, il annexe un plan de cours détaillé, des notes sur le matériel requis pour ses futurs étudiants, etc.
« Il était comme ça, le personnage: organisé, enthousiaste, plein d’idées », commente Michel Champagne, archiviste à la Division des archives. Avec une équipe formée de Johanne Thibodeau, Karine Di Genova et Geneviève Lemarier, il a monté une « exposition virtuelle » permanente mettant en valeur le Fonds Marie-Victorin (voir www.archiv.umontreal.ca/mv/expomv.htm). Dans une présentation à la fois sobre et élégante, le visiteur a accès à des dizaines de pages de textes, 350 reproductions et 250 photos provenant des archives du célèbre frère des Écoles chrétiennes.
Cette idée d’une exposition permanente « sommeillait depuis 10 ans et est soudainement ressuscitée lorsque l’Institut de recherche en biologie végétale nous a fait don de quelque 20 000 documents ayant appartenu au frère Marie-Victorin », a dit le directeur de la Division des archives, Claude Minotto, à l’occasion du lancement de l’exposition, le 18 avril. Une trentaine de personnes y assistaient, dont le secrétaire général Michel Lespérance, qui a rendu hommage au savant, « éducateur hors pair et botaniste de premier plan, mais surtout à ce grand humaniste qui a su éveiller les consciences à l’importance de la culture scientifique ».
Rigueur et sens de l’humour
Pour Johanne Thibodeau, qui signe les textes de l’exposition, la recherche sur le frère Marie-Victorin a été l’occasion de plusieurs surprises. « Je l’imaginais austère. J’ai découvert un homme drôle, pince-sans-rire, curieux. Un homme qui gagne à être connu. »
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De gauche à droite, à la première rangée : Lucie Roberge, responsable du design graphique du signet et de la page d’accueil, Karine Di Genova, conceptrice des produits pédagogiques, et Geneviève Lemarier, responsable de la conception des pages Web; à la deuxième rangée : Michel Champagne et Johanne Thibodeau, chargés de projet. |
Si l’on fait exception des pages d’accueil et des textes relatifs à l’enfance de Conrad Kirouac, de son nom laïque, quatre étapes font l’objet d’une présentation fouillée: l’apprentissage (1903-1920), les années fastes (1920-1934), la récolte (1935-1944) et l’héritage (de 1944 à aujourd’hui). On passe en revue ses principales réalisations, soit la création de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences, la fondation du Jardin botanique de Montréal, la création de l’herbier – qui compte aujourd’hui 700 000 spécimens –, la publication de la Flore laurentienne, etc.
On n’escamote pas les ambigüités de cet homme d’Église par moments torturé par ses vœux de chasteté. « Mes puissances sexuelles semblent s’exagérer – symptômes de faiblesse physique peut-être – et j’ai peine parfois à les réfréner, à dire “Arrière!” au fantôme du mariage et de ses libertés, à la suggestion, venue d’en bas, que la vie que je mène est contre nature », confie-t-il le 19 juillet 1917. «Pour sublimer ses désirs, écrit Johanne Thibodeau, il se lance à corps perdu dans les projets et s’intéresse à la complexe sexualité humaine, d’un point de vue biologique bien sûr! Il questionne ses élèves, étudie la biologie des organes sexuels [...]»
Le site compte par ailleurs un volet pédagogique qui plaira aux jeunes internautes: l’abécédaire Marie-Victorin. De plus, avec la collaboration de la Faculté des sciences de l’éducation, on a mis sur pied un concours intitulé Sur les traces de Marie-Victorin. Les participants ont jusqu’au 20 juin pour découvrir les huit lettres mystères qui figurent dans le site. Les gagnants auront droit à des laissez-passer pour le Jardin botanique et à «plein d’autres surprises…»
Mathieu-Robert Sauvé