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Michel Mayor, directeur de l’Observatoire de Genève, prendra la parole au prochain congrès de la Société canadienne d’astronomie. |
En une dizaine d’années, les astrophysiciens sont parvenus à déceler des indices de l’existence d’au moins 150 planètes extrasolaires, soit des planètes qui gravitent autour d’autres étoiles que notre soleil. Mais personne n’a encore réussi à photographier de tels astres.
«Ce serait comme trouver le Graal», affirme René Doyon, physicien au Département de physique et lui-même concurrent dans cette course. Les exoplanètes découvertes à ce jour ont été détectées indirectement, à partir de la méthode radiale, c’est-à-dire la mesure des oscillations de l’étoile provoquées par la présence d’une planète massive, de 2 à 10 fois la taille de Jupiter, gravitant sur une orbite très rapprochée.
La première découverte d’une telle planète, réalisée en 1995, est attribuée à Michel Mayor, directeur de l’Observatoire de Genève. Elle a été considérée comme l’une des 10 découvertes les plus importantes de cette année-là par le magazine Science. Le professeur Mayor sera de passage à l’Université le 15 mai à l’occasion du congrès annuel de la Société canadienne d’astronomie et présentera une conférence publique faisant le point sur l’état des connaissances actuelles à propos des exoplanètes.
Des systèmes qui défient nos lois
Les systèmes découverts jusqu’à présent, dont certains comportent au moins trois planètes, ont renversé les attentes des chercheurs. Michel Mayor, par exemple, s’attendait à devoir effectuer des observations pendant une dizaine d’années avant de trouver, par la méthode radiale, une planète de la taille de Jupiter. Mais il a fait sa première découverte après seulement quatre jours d’observation.
De plus, la planète en question orbite très près de l’étoile, soit à une distance équivalant à celle de Mercure, ce qui paraissait inconcevable selon les lois de la physique pour un astre de cette taille. Certaines des exoplanètes font 10 fois la masse de Jupiter et gravitent toutes très près de leur étoile.
«Ces planètes géantes gazeuses ne peuvent s’être formées si près de l’étoile parce que les vents solaires dispersent les gaz dans l’Univers, explique René Doyon. L’hypothèse actuelle est que ces planètes se sont constituées à la périphérie du système planétaire et qu’elles se sont approchées graduellement de leur étoile. Leur masse serait suffisante pour leur permettre de retenir les gaz en dépit des vents solaires.»
Ces systèmes planétaires n’ont ainsi rien de comparable au nôtre. Alors que Mercure, qui n’est qu’un caillou, met huit jours à faire le tour du Soleil, la planète de Michel Mayor n’en met que quatre. «C’est peut-être notre système planétaire qui est une exception», avance Robert Lamontagne, professeur au Département de physique, tout en précisant que le genre de systèmes découverts est en fait le résultat de la méthode utilisée. Pour être observables par la méthode radiale, les oscillations d’une étoile doivent être relativement importantes et être causées par de très grosses planètes. Cette technique n’a été couronnée de succès que dans cinq pour cent des cas d’observation d’étoiles.
«Mais depuis deux ans, les méthodes se raffinent et l’on trouve maintenant des planètes de la dimension d’Uranus, ajoute le professeur. Et si une planète gravite autour de son étoile à une distance comparable à celle de Jupiter, qui prend huit ans à faire le tour du Soleil, il faudra huit ans pour observer son effet sur l’oscillation de l’étoile. Il faut donc se donner le temps nécessaire.»
D’autres Terre?
L’équipe dont fait partie René Doyon mise pour sa part sur la photographie en infrarouge pour «voir» la première planète extrasolaire. À l’aide de l’appareil Trident installé sur le télescope Gemini au Chili, les chercheurs de cinq universités vont consacrer 300 heures d’observation à une centaine d’étoiles jeunes susceptibles d’avoir un système planétaire. Pour éliminer toute confusion avec des objets en arrière-fond, les mêmes étoiles sont observées une seconde fois à un an d’intervalle. Pour certaines étoiles, cette seconde observation aura lieu en août prochain.
Prudent, René Doyon estime à 50 % les chances de réussite de ces prochaines observations. À moyen terme, il est toutefois plus optimiste. «D’ici cinq ans, dit-il, on aura découvert plusieurs planètes par observation directe.» Et d’ici 10 à 15 ans, il espère que les télescopes spatiaux seront en mesure de détecter des planètes rocheuses du type de la Terre.
Le but de l’observation directe est d’arriver à mesurer la composition chimique de ces astres et d’avoir ainsi une meilleure connaissance de la formation des systèmes planétaires. Et lorsqu’on aura découvert des planètes rocheuses comme la Terre, la détection d’oxygène dans leur éventuelle atmosphère serait un signe de vie à tout le moins bactérienne.
Médaille Plasket
Parmi les autres activités du congrès, les participants pourront entendre Reinhard Genzel, directeur du Max-Planck-Institute for Extraterrestrial Physics d’Allemagne, qui a démontré la présence d’un trou noir au centre de notre galaxie. Une série de photos prises sur 10 ans et présentées en continu montrent de façon saisissante des étoiles massives graviter autour d’un noyau estimé à trois millions de masses solaires et qu’on ne pourra évidemment jamais voir.
Le congrès dont le Département de physique est l’hôte sera également l’occasion de remettre la médaille Plasket 2005, qui récompense la meilleure thèse de doctorat en astronomie du Canada. La médaille est attribuée cette année à Christian Marois, diplômé de l’UdeM, qui a consacré son doctorat à l’analyse des données d’observation des planètes extrasolaires.
Daniel Baril