Les circuits du cerveau activés pour les émotions
seraient les mêmes pour la tristesse et pour la joie.
C'est la découverte qu'a faite récemment Mario
Beauregard et son équipe du Département de
radiologie de la Faculté de médecine de l'Université
de Montréal. Les résultats de sa recherche
ont provoqué une certaine surprise à leur
présentation au congrès annuel de la Society
for Neuroscience, qui s'est tenu à San Diego en novembre
dernier.
«Nous avions proposé l'hypothèse que
la tristesse et la joie étaient traitées de
manière différente par ce que nous appelons
le système limbique, généralement reconnu
comme le centre des émotions. Mais l'imagerie par
résonance magnétique nucléaire a plutôt
montré que ce sont les mêmes circuits cérébraux
qui traitent ces émotions contraires.»
Le chercheur ne prétend pas qu'il n'existe aucune
différence sur le plan physicochimique dans le cerveau
lorsque nous rions d'une bonne blague ou pleurons l'amour
disparu. «Il faut pousser les recherches plus loin
afin de cerner des différences à un stade
plus microscopique. Nos appareils n'ont pas pu enregistrer
ces différences.»
La méthodologie employée pour parvenir à
ce résultat est en elle-même assez singulière.
Le chercheur a sélectionné 11 acteurs
professionnels qui, après avoir disposé d'une
semaine pour préparer leur rôle, ont été
introduits dans un scanner capable de «filmer»
l'activité de leur cerveau. «Ces gens-là
sont capables de se laisser envahir par une émotion
de tristesse au point de verser de véritables larmes,
dit le professeur Beauregard. Nous leur avons demandé
d'interpréter successivement deux émotions
assez éloignées l'une de l'autre afin d'observer
leur cerveau en action.»
Dans l'apprentissage du métier de comédien,
deux écoles s'affrontent. L'Actors Studio de Stanislavski
prétend que l'acteur doit puiser dans ses souvenirs
personnels les émotions qu'il doit jouer; l'autre
approche recommande, au contraire, une simulation pure sans
lien avec le «vécu». Les 11 comédiens
examinés par scanner, tous issus du Conservatoire
d'art dramatique du Québec, affirmaient appartenir
à la première école. Ces sujets - cinq
hommes et six femmes ayant de 5 à 15 ans d'expérience
au cinéma, à la télévision et
au théâtre - devaient évaluer leur propre
état d'auto-induction sur une échelle de 0 à 8.
Les recherches sur le «cerveau des émotions»
(cortex orbito-frontal, hippocampe, lobe temporal, cortex
préfrontal et amygdale) connaissent un essor depuis
quelques années. Mais habituellement, on traite séparément
des émotions aussi différentes que la joie,
la peur, la colère, la surprise ou la tristesse.
L'originalité de la recherche menée par l'équipe
de Mario Beauregard est d'avoir regroupé des sujets
de recherche capables de vivre successivement une grande
joie et une grande peine en offrant leur cerveau en spectacle.
Chercheur : Mario
Beauregard
Téléphone : (514) 340-3540, poste 4129
Financement : Conseil de recherches en sciences naturelles
et en génie