Qu'est-ce qui peut bien amener une équipe de chercheurs
universitaires à retourner, saison après saison,
sur le même tronçon d'autoroute au péril
de leur vie? Un projet du ministère des Transports
consistant à gérer «écologiquement»
la végétation le long des autoroutes, comme
cela se fait depuis longtemps en Europe. Chaque année,
le ministère assure l'entretien de 5000 km de
bordures d'autoroutes dans la province. Tondre, faucher,
débroussailler et ramasser les détritus coûte
près de un million de dollars. Résultat, des
abords de routes rasés de près, mais dénués
de tout intérêt.
Tandis qu'une équipe de biologistes de l'Université
du Québec à Trois-Rivières étudie
les effets du «laisser-pousser» sur la faune
et la flore, la Chaire en paysage et environnement de l'Université
de Montréal mesure l'évolution de ces nouveaux
paysages, en plus de tâter le pouls des automobilistes.
Avant d'appliquer la méthode à grande échelle,
il faut en savoir le plus possible.
Les chercheurs de l'Université de Montréal
ont d'abord sélectionné 23 points d'observation
le long des autoroutes Henri-IV Nord à Val-Bélair,
Félix-Leclerc à Cap-Santé et Jean-Lesage
près de Saint-Hyacinthe, où le ministère
des Transports mène un projet pilote de gestion écologique
depuis 1998 sur des segments de 2 à 4 km. On
a privilégié des endroits stratégiques
comme des courbes ou des collines, où l'il
est attiré naturellement. Posté sur l'accotement,
tout près des voitures qui filent à plus de
100 km/h, un photographe prend des clichés du
paysage. Mais «la photographie ne correspondait pas
tout à fait au point de vue des automobilistes»,
observe Gérald Domon, codirecteur du projet. Son
équipe a donc filmé en vidéo le bord
de l'autoroute, à basse puis à haute vitesse,
en vue latérale puis panoramique. Exportés
dans les ordinateurs, les clichés recueillis ont
été traités et analysés.
Cette collection d'images permet aux chercheurs de mesurer
la vitesse à laquelle poussent les différentes
espèces de plantes, d'arbres et de fleurs et de faire
des simulations. Ces petites fleurs blanches céderont-elles
le pas à la salicaire pourpre - jolie mais envahissante
- dans quelques années? C'est ce que les chercheurs
pourront observer in situ.
Les intérêts du projet de gestion écologique
ne sont pas que d'ordre environnemental. En ralentissant
un véhicule à une sortie de route, en réduisant
l'éblouissement des phares ou encore en faisant office
de haie brise-vent, la végétation contribuerait
à la sécurité des automobilistes.
Alors, finies les tondeuses? Pas tout à fait. Selon
M. Domon, il faudra adapter à chaque contexte la
machinerie et le programme d'entretien. Par conséquent,
la gestion écologique de la végétation
ne coûtera pas nécessairement moins cher que
la coupe à blanc traditionnelle.
Chercheur : Gérald
Domon
Téléphone : (514) 343-6298
Financement : ministère des Transports du Québec