Les femmes de carrière désirant remettre
leurs grossesses à plus tard pourraient bientôt
avoir la possibilité de prolonger leur période
de fertilité. Comment? En faisant congeler un de
leurs ovaires qui serait réimplanté au moment
voulu.
Une équipe de l’hôpital Notre-Dame dirigée
par le Dr Hui Fang Chen, chercheur au Département
de chirurgie de l’Université de Montréal,
vient de tenter avec succès une expérience
de greffe d’ovaire congelé chez l’animal.
Les résultats ont été présentés
dans la revue Nature en janvier dernier. L’équipe
montréalaise a travaillé en collaboration
avec Roger G. Gosden, de l’Université McGill,
et Samuel Kim, de l’Université de Washington.
Dans leur laboratoire de chirurgie expérimentale,
les chercheurs ont prélevé l’ovaire droit
de sept rates, qu’ils ont conservé une nuit
dans l’azote liquide à -196 °C. Les
ovaires ont par la suite été transplantés
chez sept rates génétiquement identiques.
Quatre rates ont réussi à sécréter
des hormones et à produire des ovules. Une rate s’est
retrouvée enceinte après un accouplement.
Ces résultats laissent entrevoir des possibilités
chez les humains. En plus de retarder la ménopause,
la nouvelle technologie permettrait aux jeunes femmes devant
subir des traitements de chimiothérapie d’éviter
les problèmes de stérilité associés
à ces traitements.
Mais la greffe d’ovaire n’est pas la principale
application qui intéresse le Dr Chen. Cette technique
pourrait pallier la pénurie d’organes qui sévit
depuis plusieurs années partout en Occident. Au Québec
seulement, 936 patients étaient en attente d’organes
à la fin de l’année 2001. La courte
période de conservation des organes à l’extérieur
du corps humain est le principal facteur responsable de
la pénurie, si l’on fait exception du manque
de donneurs. Actuellement, la préservation de l’organe
se fait dans une solution physiologique à 4 °C.
Un cœur et des poumons se conservent à peine
quatre heures. Le foie et le pancréas, plus résistants,
peuvent être gardés jusqu’à 20 heures.
Le rein arrive à survivre 30 heures. Avec les
techniques de cryogénie, le Dr Chen espère
pouvoir préserver les organes indéfiniment.
«L’idéal serait de mettre sur pied une
banque d’organes, avance le Dr Chen. Les cœurs,
poumons, reins, foies et pancréas y seraient entreposés
jusqu’à ce qu’un receveur compatible se
manifeste.» Déjà, il existe des banques
de tissus, disponibles pour les grands brûlés.
Mais la conservation d’organes entiers est beaucoup
plus difficile à réussir. «Plus l’organe
est complexe et renferme des cavités, plus la procédure
est délicate», explique Minh Diem Vu,
étudiante au doctorat avec le Dr Chen. «Les
phases de gel et de dégel sont particulièrement
hasardeuses. Il faut à tout prix éviter la
formation de cristaux de glace, qui risquent de causer des
dommages.»
L’équipe du Dr Chen va maintenant s’attaquer
à la transplantation d’un organe beaucoup plus
complexe que l’ovaire : le rein. Si leurs essais chez
les rongeurs sont concluants, ils les étendront aux
grands animaux comme le singe ou le porc. Les essais cliniques
viendront après.
Chercheur : Hui
Fang Chen
Téléphone : (514) 890-8000, poste 27081
Financement : Centre de recherche du CHUM