Trois portées de tortues indigènes (deux
de tortues peintes et une de chélydre serpentine)
ont éclos l’été dernier dans des
sites de ponte aménagés sur la rivière
des Outaouais par la biologiste Nathalie Tessier, stagiaire
postdoctorale au Département de sciences biologiques
de l’Université de Montréal. «Elles
vont vivre dans leur milieu naturel et revenir pondre au
même endroit lorsqu’elles seront adultes»,
affirme la spécialiste rattachée au Laboratoire
d’écologie moléculaire et d’évolution.
Son projet de recherche, sans précédent, consiste
à déterminer les conditions optimales pour
la ponte et l’éclosion des œufs de ces
reptiles méconnus dont la survie n’est pas assurée,
à cause des menaces qui pèsent sur leur environnement.
Chaque année, une multitude d’animaux périssent
heurtés sur les routes ou mangés par des prédateurs
comme le raton laveur. D’autres sont victimes de la
pollution, de la destruction des milieux humides ou de l’inondation
des berges causée par la construction de digues ou
de centrales hydroélectriques. C’est dans la
région de l’Outaouais qu’on retrouve la
plus grande variété de tortues indigènes
au Québec, soit sept des neuf espèces. La
tortue molle à épine est une «espèce
menacée», la tortue ponctuée a un «statut
préoccupant», mais toutes les autres pourraient
figurer sur la «liste des espèces susceptibles
d’être désignées menacées
ou vulnérables» tenue à jour par la
Société de la faune et des parcs du Québec.
«Les tortues que nous observons au Québec sont
à la limite nord de leur distribution. Elles sont
depuis 20 ans sur la liste des espèces menacées
aux États-Unis. Ici, on ne s’entend pas encore
pour leur accorder une protection spéciale.»
Les mœurs reproductrices des tortues de ce continent
demeurent peu connues. En plus d’offrir un choix de
substrats (du sable, du gravier ou un sol naturel), les
aménagements sont à l’abri des prédateurs.
Dès le mois de mai, des appareils enregistrent la
température et l’humidité des sites plusieurs
fois par jour. Comme pour certains amphibiens, la température
du sol a une incidence sur la sexualisation. Un été
très chaud ou au contraire très frais verra
plus de femelles de la tortue peinte, alors que les étés
moyens donneront plus de mâles. Sur une période
de trois ans, ce projet permettra de connaître les
préférences des femelles. Si celles-ci choisissent
les sols naturels — deux des trois nids découverts
l’été dernier ont été creusés
dans ce type de sols —, cela pourrait faciliter les
choses. Dans les parcs et réserves, on n’aura
qu’à interdire l’accès à
certaines parties du rivage afin de permettre la reproduction
de l’espèce. Si les tortues préfèrent
le sable ou le gravier, il faudra faire venir d’autres
camions-bennes. «Nous voulons éventuellement
mettre au point une technique facile à appliquer
pour les gens désireux de contribuer à la
survie de l’espèce», dit la biologiste.
Chercheuse : Nathalie
Tessier
Téléphone : (514) 343-1031
Financement : Société de la faune et des parcs
du Québec, Hydro-Québec, Canards illimité,
Fondation de la faune du Québec, Fédération
canadienne de la faune, Fonds mondial pour la nature, Faune-nature,
club Chasse et pêche de Aylmer