Kinésiologie
Le cerveau au bout des doigts

Déplacer une souris d’ordinateur, pointer des icones lumineux sur un écran tactile, porter une fourchette de l’assiette à la bouche; tous ces mouvements quotidiens posent de sérieux défis aux experts du mouvement. Des chercheurs comme Luc Proteau, professeur au Département de kinésiologie de l’Université de Montréal, tentent d’y voir plus clair. «Nous voulons mieux comprendre comment fonctionne le cerveau humain quand il traite les informations sensorielles nécessaires aux mouvements. Nous appelons cela le rôle des afférences sensorielles dans la planification, le contrôle et l’apprentissage du mouvement», résume le chercheur.

Les connaissances acquises dans son laboratoire pourraient avoir des applications en robotique et en médecine, par exemple, en permettant l’amélioration des fonctions motrices de robots utilisés dans l’espace ou encore en favorisant l’élaboration d’implants pour les victimes de lésions cérébrales.

Une interrogation est à l’origine des recherches du professeur Proteau : une personne qui exécute des milliers de fois le même geste en vue d’une tâche donnée voit-elle diminuer l’importance des informations sensorielles au point de pouvoir accomplir le geste «les yeux fermés»? «La très grande majorité des gens pensent — et je le pensais aussi — qu’à force de répéter le même geste la vision devient de moins en moins importante dans l’exécution du mouvement. C’est faux.»

Au cours d’une expérience qu’il a menée, des individus devaient toucher du doigt une cible lumineuse située à 85 centimètres, un geste répété de 200 à 2000 fois! Puis, lorsque les sujets étaient plongés dans le noir, ils pouvaient rater la cible de 15 centimètres. Conclusion : même après des centaines, voire des milliers d’essais, la vision demeure essentielle à la précision des mouvements. «En fait, plus on effectue un mouvement à l’aide de la vision, plus cette vision devient nécessaire à sa bonne exécution», explique M. Proteau. Autre surprise pour le chercheur : la précision des mouvements des vieillards vaut celle des jeunes. «Nous avons démontré que la personne âgée est aussi précise que le jeune adulte, explique-t-il. Ce qui varie, c’est la vitesse du traitement de l’information sensorielle, qui diminue avec l’âge.»

Avec une étudiante au doctorat, Léna Lhuisset, Luc Proteau vient de prouver que les enfants de six ans vivent une étape décisive dans leur développement cognitif. Lorsqu’il faut exécuter une tâche de pointage visuo-manuel comme faire bouger une souris pour que le curseur se déplace sur l’écran, l’enfant de 6 ans planifie son mouvement par rapport à des coordonnées internes (angle du bras et de l’avant-bras, forces à appliquer, etc.) alors que l’enfant de 10 ans et l’adulte planifient leur mouvement par rapport à des coordonnées externes. «Il y a donc une transition dans la façon d’organiser ce type de mouvements en fonction du développement de l’être humain», explique le chercheur.

Chercheur : Luc Proteau
Téléphone : (514) 343-2039
Financement : Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

 


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