Thé,
brocoli et bleuets : nouvelles armes contre le cancer
Au mois de janvier 2002, l’équipe du Dr Richard
Béliveau s’est fait connaître par ses
travaux publiés dans Cancer Research et
qui démontraient que le thé vert avait un
effet pharmacologique avéré pour la prévention
et le traitement des tumeurs cancéreuses. «Il
existait déjà des données dans la littérature
selon lesquelles les populations japonaise et chinoise,
qui consomment beaucoup de thé vert, avaient moins
de cancers. Ces études épidémiologiques
nous ont intrigués. Nous avons voulu voir ce qui
se cachait derrière ce phénomène»,
explique le chef du Laboratoire de médecine moléculaire
du Centre de cancérologie Charles-Bruneau de l’hôpital
Sainte-Justine, affilié à l’Université
de Montréal.
En testant différentes molécules comprises
dans le thé vert sur des lignées de cellules
cancéreuses, l’équipe a découvert
que certaines d’entre elles, les catéchines,
inhibaient la croissance des vaisseaux sanguins alimentant
les tumeurs. Ces travaux, réalisés par Sylvie
Lamy et le Dr Denis Gingras, ont révélé
que la consommation de une à deux tasses par jour
de cette boisson serait suffisante pour entraîner
des effets bénéfiques.
Depuis cette publication, les 48 membres de l’équipe
du Dr Béliveau ont redoublé d’efforts
pour savoir si d’autres aliments pouvaient être
efficaces contre le cancer. Déjà, ils ont
trouvé des molécules actives dans le chou,
le brocoli, le soya, les bleuets, les tomates… et
les recherches se poursuivent. Les découvertes de
l’équipe sont tellement prometteuses que le
Dr Béliveau a choisi de nommer cette toute nouvelle
branche la nutrathérapie. «On veut faire écho
à la chimiothérapie, qui a recours à
des molécules synthétiques. On procède
exactement de la même façon, avec des études
pharmacologiques, épidémiologiques et cliniques,
mais on utilise des molécules naturelles. C’est
une révolution de concept.»
Dans le soya, les chercheurs ont isolé une molécule
nommée la génistéine. Les recherches
ont démontré qu’elle possédait
le même mécanisme d’action que le Gleevec
ou l’Iressa, deux médicaments employés
dans la lutte contre le cancer. «C’est incroyable
tout ce qu’on découvre dans les aliments. Et
pourtant, les recherches sont à peine amorcées
dans ce domaine.» Comme manger du brocoli ne comporte
aucun risque et n’entraîne pas d’effets
secondaires, la nutrathérapie peut être testée
immédiatement chez les patients. En collaboration
avec les Drs Albert Moghrabi et Stéphane Barrette
du Service d’hémato-oncologie et la Dre Josée
Dubois de la Clinique des malformations vasculaires, le
Dr Béliveau a déjà commencé
à proposer une diète thérapeutique
aux enfants traités en clinique. Des essais chez
les adultes ont également débuté à
l’hôpital Notre-Dame et à l’Hôpital
général de Montréal. «Il ne s’agit
évidemment pas d’une thérapie de remplacement,
mais d’une thérapie additionnelle. Plutôt
que de renvoyer le patient chez lui et de lui dire de manger
n’importe quoi, on lui suggère de suivre cette
diète. Cela ne peut pas nuire, ça c’est
sûr.» En plus de chercher de nouveaux aliments
aux propriétés cytotoxiques ou antiangiogéniques,
l’équipe du Dr Béliveau s’affaire
à déterminer quelles quantités doivent
être consommées quotidiennement pour produire
un effet pharmacologique. Contrairement à ce qu’on
pourrait croire, il n’est pas nécessaire d’en
ingérer des quantités astronomiques. Une demi-tasse
de chou ou de brocoli peut suffire.
Chercheur : Richard Béliveau
Téléphone : (514) 345-2366
Financement : Fondation Charles-Bruneau, Société
de recherche sur le cancer