Ayant remplacé le plomb comme antidétonant
dans l’essence depuis une douzaine d’années
au Canada, le méthylcyclopentadienyle manganèse
tricarbonyle (MMT) pourrait causer des dommages au système
nerveux. En effet, l’exposition à de fortes
concentrations de manganèse peut entraîner
des problèmes neurologiques semblables à ceux
de la maladie de Parkinson. Or, les produits de combustion
du MMT engendrent le rejet par les automobiles de différentes
formes chimiques de manganèse. «Le système
nerveux est une cible toute désignée pour
les effets nocifs associés au manganèse, alors
que le bulbe olfactif peut accumuler des quantités
relativement élevées de ce produit»,
signale le toxicologue Joseph Zayed au terme d’une
étude de longue haleine dont le rapport a été
déposé en 2002 à Santé Canada.
Pour en arriver à cette constatation, le directeur
du Centre interuniversitaire de toxicologie et professeur
à la Faculté de médecine de l’Université
de Montréal a mené des études sur des
animaux et sur des humains dont l’environnement est
touché par la présence de manganèse
de source MMT. «Il ne faut pas être alarmiste,
affirme le chercheur, mais nos recherches démontrent
que le problème de la contamination par le manganèse
de source MMT est bien réel ; le risque potentiel
de ce produit sur la santé publique doit être
bien documenté, en particulier pour ce qui est des
sous-groupes plus sensibles, comme les personnes âgées
et celles qui souffrent de dysfonctions hépatiques.
Des études épidémiologiques poussées
devraient être entreprises auprès de ces populations.»
Parmi les animaux utilisés par l’équipe
du professeur Zayed, des rats ont été notamment
exposés à différentes concentrations
de manganèse. On a retrouvé dans leur cerveau
de fortes concentrations de ce métal. Le bulbe olfactif
a été le plus touché. Un article à
ce sujet vient d’ailleurs de paraître dans une
revue majeure, Toxicology and Applied Pharmacology.
D’autres rats chez qui des dysfonctions hépatiques
ont été délibérément
induites ont vu les concentrations de manganèse plus
que doubler dans certaines parties de leur cerveau. De telles
expériences n’ont pas été tentées
avec des sujets humains, bien entendu, mais on pense que
les résultats obtenus sur le modèle animal
pourraient s’appliquer à l’homme, plus
particulièrement chez des individus aux prises avec
des problèmes hépatiques comme la cirrhose.
En fait, des autopsies ont révélé des
niveaux élevés de manganèse dans le
cerveau de personnes ayant souffert de dysfonctions hépatiques.
Le Canada est le premier pays du monde à avoir adopté
à grande échelle une politique d’utilisation
du MMT dans l’essence, mais la France et l’Australie
sont en train de l’imiter. D’autres, comme les
États-Unis, la Russie, la Bulgarie et la Nouvelle-Zélande
pourraient leur emboîter le pas. Aux États-Unis,
un mouvement d’opposition gronde alors que l’Environmental
Protection Agency a intenté un recours en justice
pour faire interdire l’additif, lui préférant
le le méthyle-ter-butyle-éther (MTBE). Mais
des recherches ont démontré que cette dernière
substance produit également des effets toxiques.
Chercheur : Joseph Zayed
Téléphone : (514) 343-5912
Courriel : joseph.zayed@umontreal.ca
Financement : Santé Canada (Initiative de recherche
sur les substances toxiques)