«As-tu déjà frappé quelqu’un
qui ne t’avait rien fait ?» À cette question
et à d’autres de même nature («As-tu
déjà menacé de battre quelqu’un
pour avoir ce que tu voulais ?» ; «As-tu déjà
frappé quelqu’un parce que tu étais
fâchée ?», etc.), 69 % d’une cohorte
de jeunes filles de 15 ans ayant eu des démêlés
avec la justice ou ayant démontré des troubles
de comportement sérieux ont répondu «oui»
dans un sondage portant sur la violence physique et relationnelle,
en 1993. Lorsque la criminologue Nadine Lanctôt, de
l’Université de Montréal, a posé
les mêmes questions aux mêmes adolescentes neuf
années plus tard, elles n’étaient plus
que 37 % à se dire violentes. «Notre recherche
démontre que les comportements violents chez les
filles s’amenuisent avec l’âge, affirme-t-elle.
La quantité des gestes violents diminue également.»
Pourtant, les statistiques canadiennes indiquent que la
violence chez les jeunes femmes a augmenté deux fois
plus rapidement que chez les jeunes hommes depuis 10 ans.
Cette tendance a aussi été observée
aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les sondages sur
la délinquance autorévélée rapportent
toutefois que les garçons sont de trois à
quatre fois plus nombreux que les filles à être
impliqués dans des activités violentes alors
que les statistiques en provenance des tribunaux indiquent
que ce ratio garçon-fille se situe autour de neuf
pour une.
En suivant les mêmes adolescentes au fil des ans,
Mme Lanctôt a pu retracer l’évolution
des comportements violents. «À 23 ans, même
les filles qui étaient très violentes à
l’âge de 15 ans avaient changé leur comportement.
Chez les garçons, par opposition, on note beaucoup
plus de persistance.» La professeure à l’École
de criminologie attribue ce phénomène à
l’intériorisation des rôles sociaux par
les jeunes femmes. Toute leur vie, les filles se font dire
qu’elles doivent être polies, aimables et qu’elles
doivent prendre soin des autres. Elles voient ces stéréotypes
dans les magazines, à la télévision,
dans leurs familles et groupes d’amies. Plus elles
vieillissent, plus elles assument la fonction sociale que
la collectivité a définie pour elles. Elles
s’imposent des barrières intérieures
et développent des habiletés à s’autocontrôler.
Malheureusement, les comportements violents font place à
d’autres complications. Les tentatives de suicide,
la consommation de drogues et les dépressions s’accentuent
tout au long des années. «En fait, les femmes
sont passées d’un comportement qui causait
du tort à autrui à un comportement qui leur
fait mal à elles-mêmes.»
Idéalement, il faudrait agir plus tôt chez
les adolescentes et les amener à remplacer les conduites
violentes par des techniques permettant de gérer
la colère de façon saine et équilibrée.
Si les filles et les garçons utilisent la violence
pour des raisons semblables, certaines différences
s'observent. Par exemple, les filles réagissent davantage
à des conflits interpersonnels. Les garçons
se servent de la violence pour accéder à un
statut au sein de leur groupe d'amis.
Chercheuse : Nadine Lanctôt
Téléphone : (514) 343-7328
Courriel : nadine.lanctot@umontreal.ca
Financement : Instituts de recherche en santé du
Canada, Fonds de la recherche en santé du Québec,
Conseil de recherches en sciences humaines du Canada