Des résolutions du nouvel an à l’achat
compulsif de livres de croissance personnelle, nous cherchons
tous à devenir des personnes meilleures. Mais comment
et à quel point pouvons-nous mener cet objectif à
terme ? Comment s’éduquent les émotions
? Et puis qu’est-ce qu’une bonne personne ?
Ce sont ces questions que cherchera à éclaircir
Christine Tappolet, du Département de philosophie
de l’Université de Montréal. Elle vient
de recevoir une subvention de 101 000 $ du Conseil de recherches
en sciences humaines du Canada pour étudier l’éducation
des émotions, en collaboration avec les philosophes
Luc Faucher, du Département de Philosophie de l’UQAM,
et Ruwen Ogien, du Centre national de la recherche scientifique,
à Paris. Si l’on critique nos réactions
et nos dispositions émotionnelles, c’est qu’on
a en tête une façon de les évaluer.
Depuis plusieurs années, Christine Tappolet s’intéresse
à l’hypothèse que nos émotions
nous donnent accès à la connaissance du bien
et du mal. Selon elle, nos émotions sont des perceptions
de valeur à la base de toute morale ou éthique.
L’émotion appropriée devrait donc traduire
correctement les valeurs propres au contexte qui la suscite.
La colère aurait ainsi son utilité lorsqu’elle
nous informe d’une injustice.
Pour savoir comment nos émotions prennent forme et
s’enracinent, Christine Tappolet propose d’étudier
des approches qui découlent de diverses conceptions
des émotions. La thérapie cognitive de Beck,
par exemple, tente de régler des problèmes
émotifs uniquement par la raison. Or, la chercheuse
a des doutes : celui qui a la phobie des araignées
ne cessera pas d’avoir peur par la seule pensée
que les araignées sont inoffensives !
Mme Tappolet s’intéressera notamment à
une conception proposée par Martha Nussbaum, selon
laquelle la fréquentation des œuvres d’art
et plus particulièrement de certaines œuvres
littéraires peut contribuer à former nos dispositions
émotionnelles. Les romans et les films nous permettraient
selon elle de nous mettre dans la peau des autres et de
partager leurs émotions, développant du coup
les nôtres.
Mais encore faut-il comprendre comment s’effectue
un tel apprentissage. Les chercheurs s’inspireront
de l’analogie entre les émotions et les sens
comme modes de perception de la réalité. On
pourrait par conséquent viser à aiguiser et
à raffiner notre sensibilité émotive,
comme on apprend à distinguer les vins par la dégustation.
Par ailleurs, il y a une interdépendance entre nos
émotions. Ainsi, il n’est pas évident
de pouvoir séparer la capacité d’aimer
et la disposition à la jalousie. Donc il serait impossible
de modifier ou de refouler certaines émotions sans
en affecter d’autres.
Une fois déterminé un objectif ou idéal
pour l’éducation des émotions, reste
à savoir dans quelle mesure on peut les influencer.
Pour répondre à cette question, les chercheurs
examineront la littérature empirique en psychologie,
biologie et anthropologie. Ils croient en effet que le dialogue
interdisciplinaire entre philosophes et scientifiques est
essentiel pour mieux comprendre les émotions et leur
rôle.
Chercheuse : Christine Tappolet
Téléphone : (514) 343-7666
Courriel : christine.tappolet@umontreal.ca
Financement : Conseil de recherches en sciences humaines
du Canada