Selon Anja Geitmann, s’il existait un livre Guinness
des records des végétaux, le pollen y occuperait
une place de choix. Malgré sa petite taille —
quelques microns à peine —, le pollen a de
quoi épater la galerie : c’est la cellule végétale
qui croît le plus rapidement, l’unique à
porter en elle une autre cellule et une des rares à
pouvoir percer un tissu. La professeure de l’Institut
de recherche en biologie végétale, de l’Université
de Montréal, explique que ce sont ces caractéristiques
extraordinaires qui permettent au pollen d’atteindre
l’œuf dissimulé au cœur de la fleur
et d’assurer la fécondation végétale.
La jeune biologiste d’origine allemande précise
que, lorsqu’il se dépose sur le pistil d’une
fleur, le pollen porte déjà en lui une cellule
qui produira les gamètes mâles. Il n’est
cependant pas mobile. Pour franchir la distance qui le sépare
de l’œuf, il forme en quelques heures un tube
pollinique — mesurant parfois plusieurs centimètres
de longueur — au sein duquel migrent les gamètes.
Le tube croît jusqu’au fond du pistil et perce
le sac embryonnaire qui contient l’œuf pour libérer
les gamètes et assurer la fécondation et la
formation de la graine.
En collaboration avec des chercheurs du Département
de physique, Anja Geitmann étudie et modélise
la mécanique du développement du tube pollinique
dans le but de découvrir «comment le pollen
se fraie un chemin à travers les tissus du pistil
et quels signaux lui permettent de se rendre jusqu’à
l’œuf». Elle est une des premières
chercheuses dans le monde à soumettre des cellules
végétales au micro-indenteur, un appareil
de haute précision qu’elle a obtenu grâce
à une subvention de la Fondation canadienne pour
l’innovation et dont il n’existe que quelques
exemplaires sur la planète.
Le micro-indenteur permet de déplacer une micro-aiguille
à raison de un dix-millième de millimètre
à la fois ; la biologiste peut donc déformer
le tube pollinique en croissance et quantifier sa réaction.
Elle acquiert ainsi de précieuses informations sur
la viscosité et l’élasticité
du tube pollinique. «On connaît encore mal la
mécanique des cellules végétales, signale-t-elle.
S’il est possible de mesurer la dureté d’un
matériau comme le bois, il est difficile de faire
la même chose avec une cellule individuelle. D’où
le grand intérêt du pollen, qui ne fait partie
d’aucun tissu et qui peut être cultivé
in vitro.»
Avec ses résultats, Anja Geitmann espère élucider
certains mystères de la fécondation végétale.
La chercheuse croit que sa recherche fondamentale pourrait
avoir des applications dans un proche avenir. «Une
cellule capable de traverser des tissus complexes, de trouver
une cellule cible et d’y libérer son contenu,
ça donne des idées. On pourrait s’inspirer
de cet impressionnant mécanisme biologique en médecine,
par exemple, pour imaginer une façon de libérer
des médicaments à un endroit précis
du corps humain et éviter leurs effets secondaires
indésirables. Le pollen pourrait ainsi servir de
modèle aux spécialistes des nanotechnologies
qui tentent de créer des systèmes microscopiques
à partir des atomes et des molécules.»
Chercheuse : Anja Geitmann
Téléphone : (514) 872-8492
Courriel : anja.geitmann@umontreal.ca
Financement : Fondation canadienne pour l’innovation