- «Depuis une décennie, on parle davantage du
sida, du cancer et des maladies cardiovasculaires alors que les
problèmes de santé reliés aux accidents
de la route suscitent un intérêt beaucoup moindre.
C'est très malheureux», dénonce le Dr Claire
Laberge-Nadeau, directrice du Laboratoire sur la sécurité
des transports du Centre de recherche sur les transports de l'Université
de Montréal qui vient de publier un premier guide des
services offerts aux blessés de la route au Québec.
-
- Dès les années 1970, cette professeure du Département
de médecine sociale et préventive a senti l'urgence
de se consacrer à la sécurité routière
car c'était à ses yeux le problème de santé
publique le plus criant. «La route faisait alors 2 200
décès et des dizaines de milliers de blessés
par année. Une vraie catastrophe. Pourtant, il a fallu
attendre 15 ans avant que le ministère des Transports
décide de faire de la prévention des accidents
sa priorité.»
-
- Les campagnes de prévention contre l'alcool au volant,
le règlement sur l'utilisation obligatoire de la ceinture
de sécurité et la qualité de la construction
des véhicules ont contribué à abaisser le
nombre de décès. Une diminution spectaculaire de
60 % des décès de la route a été
enregistrée en 20 ans. Cependant, le nombre de blessés
graves n'a pas diminué d'autant. De 8 200 qu'ils étaient
en 1979, ils sont aujourd'hui 5 900, soit à peine 16 %
de moins.
-
- Pour Mme Laberge-Nadeau, il y a là matière
à réflexion car les victimes conservent souvent
des séquelles permanentes de l'accident quand elles n'y
laissent pas la vie. «Même dans le cas des blessures
légères, les coûts sociaux sont très
importants. Par exemple, les blessures au cou, plus fréquentes
chez les femmes que chez les hommes, nécessitent parfois
des congés de maladie de six mois.»
-
- Peu d'argent pour la recherche
-
- Si les gens s'intéressent peu au phénomène
de la sécurité routière, il en va de même
des organismes qui subventionnent; ils n'en font vraisemblablement
pas une priorité. Et pas seulement chez nous. Le Center
for Disease Control, aux États-Unis, a dénoncé
le manque de fonds investis dans ce secteur. La route est pourtant
responsable de 92 % des décès dus aux transports.
-
- En 11 ans d'existence, le Laboratoire sur la sécurité
des transports a cependant pu bénéficier de la
collaboration croissante et des fonds de recherche de la Société
de l'assurance-automobile du Québec, du ministère
québécois des Transports et d'autres organismes
pour mener des travaux sur la sécurité routière.
Le secteur privé est aussi un partenaire. En 1996, la
Fondation Jean Meloche a contribué à la réalisation
du Guide des services offerts aux blessés de la route,
en faisant un don à l'Université de Montréal.
-
- L'épidémiologiste Claire Laberge-Nadeau a été
la première, à la Faculté de médecine,
à s'intéresser à ce sujet. Aujourd'hui,
son Laboratoire réunit des gens de divers horizons: psychologie,
démographie, génie, épidémiologie,
économie, informatique, etc.
Premières victimes : les jeunes
-
- Les jeunes conducteurs constituent une catégorie beaucoup
trop présente parmi les victimes de la route. En effet,
les conducteurs de 16 à 19 ans sont trois fois plus souvent
impliqués dans un accident de la route que ceux de 45
ans et plus (15 % contre 5 %). Mais les conséquences d'une
mauvaise manoeuvre ne sont pas les mêmes pour les jeunes
que pour leurs aînés. «Une personne âgée
impliquée dans un accident grave y laisse bien souvent
la vie, tandis qu'un jeune y survivra, mais dans des conditions
qu'il n'imaginait certainement pas avant l'accident», observe
Mme Laberge-Nadeau.
-
- Lorsque les services d'intervention sont bien organisés
et efficaces, certaines blessures comme les hémorragies
internes seront traitées à temps et ne laisseront
pas de séquelles. Par contre, les traumatismes à
la tête et certaines fractures nécessiteront des
semaines d'hospitalisation et des mois de réadaptation.
-
- Pour la fondatrice du Laboratoire sur la sécurité
dans les transports, un bon bout de chemin a été
fait depuis 20 ans pour améliorer la sécurité
routière. Mais il ne faut pas s'arrêter là.
«On peut encore travailler à la réduction
du nombre de "points noirs", ces endroits connus où
on rapporte des accidents à répétition.
On peut développer de nouveaux systèmes intelligents
de gestion du réseau. On peut aussi poursuivre les campagnes
de prévention contre la vitesse excessive, et améliorer
la conception des automobiles.»
-
- Un premier guide complet sur les services aux blessés
-
- Que vous habitiez rue Saint-Denis à Montréal,
ou sur une route rurale du Nunavik, il existe un scénario
pour s'occuper de vous s'il vous arrive un accident de la route.
Avant même d'arriver à l'hôpital, une dizaine
de personnes auront été prévenues de votre
malchance. D'abord les personnes présentes doivent, selon
la loi, vous porter assistance. Puis l'une d'elles composera
le 911, si vous êtes dans un grand centre, à la
suite de quoi la centrale de coordination des appels urgents
enverra des ambulanciers qui communiqueront avec l'hôpital.
-
- «Un des grands changements à être survenus
sur le plan du secours aux blessés est l'extension du
service 911 à la quasi-totalité du Québec»,
signale Claire Laberge-Nadeau, qui vient de publier, avec l'étudiante
au doctorat Isabelle Huot et le chercheur Stéphane Messier,
un premier guide complet sur les services aux blessés
de la route. Mais cette initiative n'est qu'un exemple des changements
survenus dans les soins aux victimes de la route avant, pendant
et après leur séjour à l'urgence. Dans un
document des services préhospitaliers d'urgence du ministère
de la Santé et des Services sociaux, on note par exemple
que l'objectif d'intervention visé est de huit minutes
en territoire urbain, quinze minutes en territoire suburbain
et quarante-cinq minutes en territoire isolé.
-
- L'essentiel du guide produit par le Laboratoire sur la sécurité
des transports est consacré aux services posthospitaliers.
Il s'agit d'un inventaire complet des services offerts aux blessés
de la route, des politiques d'indemnités de la Société
d'assurance automobile du Québec aux camps de vacance
spécialisés pour personnes souffrant d'un handicap
physique ou intellectuel. On trouve aussi de l'information sur
les services de réadaptation, les aides techniques, les
ressources résidentielles, le transport adapté,
etc.
Ce travail, mené comme un véritable projet de recherche
universitaire, a nécessité deux ans de travail
et a été rendu possible grâce à don
majeur de la Fondation Jean Meloche. Cette Fondation, dont la
mission est d'encourager les jeunes chercheurs, a été
crée en 1994 en l'honneur du fondateur du groupe d'assurance
Meloche Monnex. «Les assureurs connaissent bien les conséquences
des accidents de la route; ils sont donc sensibles aux programmes
de prévention et aux recherches dans le domaine»,
conclut Mme Laberge-Nadeau.
-
- Le guide est intégralement accessible sur internet
à l'adresse suivante:
- http://www.crt.umontreal.ca/CRT/guide-blesses-route/
-
- On peut aussi commander le guide en joignant un chèque
au montant de 28 $ à l'ordre du Centre de recherche sur
les transports de l'Université de Montréal, C.P.
6128, Succursale Centre-ville, Montréal (Québec)
H3C 3J7.
-
- -30-
-
- Renseignements:
- Marie-Claude Chalvignac
Université de Montréal
(514) 343-7704
|