Communiqué

15 décembre 1998
Les blessés graves de la route: un problème sous-estimé

«Depuis une décennie, on parle davantage du sida, du cancer et des maladies cardiovasculaires alors que les problèmes de santé reliés aux accidents de la route suscitent un intérêt beaucoup moindre. C'est très malheureux», dénonce le Dr Claire Laberge-Nadeau, directrice du Laboratoire sur la sécurité des transports du Centre de recherche sur les transports de l'Université de Montréal qui vient de publier un premier guide des services offerts aux blessés de la route au Québec.
 
Dès les années 1970, cette professeure du Département de médecine sociale et préventive a senti l'urgence de se consacrer à la sécurité routière car c'était à ses yeux le problème de santé publique le plus criant. «La route faisait alors 2 200 décès et des dizaines de milliers de blessés par année. Une vraie catastrophe. Pourtant, il a fallu attendre 15 ans avant que le ministère des Transports décide de faire de la prévention des accidents sa priorité.»
 
Les campagnes de prévention contre l'alcool au volant, le règlement sur l'utilisation obligatoire de la ceinture de sécurité et la qualité de la construction des véhicules ont contribué à abaisser le nombre de décès. Une diminution spectaculaire de 60 % des décès de la route a été enregistrée en 20 ans. Cependant, le nombre de blessés graves n'a pas diminué d'autant. De 8 200 qu'ils étaient en 1979, ils sont aujourd'hui 5 900, soit à peine 16 % de moins.
 
Pour Mme Laberge-Nadeau, il y a là matière à réflexion car les victimes conservent souvent des séquelles permanentes de l'accident quand elles n'y laissent pas la vie. «Même dans le cas des blessures légères, les coûts sociaux sont très importants. Par exemple, les blessures au cou, plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, nécessitent parfois des congés de maladie de six mois.»
 
Peu d'argent pour la recherche
 
Si les gens s'intéressent peu au phénomène de la sécurité routière, il en va de même des organismes qui subventionnent; ils n'en font vraisemblablement pas une priorité. Et pas seulement chez nous. Le Center for Disease Control, aux États-Unis, a dénoncé le manque de fonds investis dans ce secteur. La route est pourtant responsable de 92 % des décès dus aux transports.
 
En 11 ans d'existence, le Laboratoire sur la sécurité des transports a cependant pu bénéficier de la collaboration croissante et des fonds de recherche de la Société de l'assurance-automobile du Québec, du ministère québécois des Transports et d'autres organismes pour mener des travaux sur la sécurité routière. Le secteur privé est aussi un partenaire. En 1996, la Fondation Jean Meloche a contribué à la réalisation du Guide des services offerts aux blessés de la route, en faisant un don à l'Université de Montréal.
 
L'épidémiologiste Claire Laberge-Nadeau a été la première, à la Faculté de médecine, à s'intéresser à ce sujet. Aujourd'hui, son Laboratoire réunit des gens de divers horizons: psychologie, démographie, génie, épidémiologie, économie, informatique, etc.

Premières victimes : les jeunes
 
Les jeunes conducteurs constituent une catégorie beaucoup trop présente parmi les victimes de la route. En effet, les conducteurs de 16 à 19 ans sont trois fois plus souvent impliqués dans un accident de la route que ceux de 45 ans et plus (15 % contre 5 %). Mais les conséquences d'une mauvaise manoeuvre ne sont pas les mêmes pour les jeunes que pour leurs aînés. «Une personne âgée impliquée dans un accident grave y laisse bien souvent la vie, tandis qu'un jeune y survivra, mais dans des conditions qu'il n'imaginait certainement pas avant l'accident», observe Mme Laberge-Nadeau.
 
Lorsque les services d'intervention sont bien organisés et efficaces, certaines blessures comme les hémorragies internes seront traitées à temps et ne laisseront pas de séquelles. Par contre, les traumatismes à la tête et certaines fractures nécessiteront des semaines d'hospitalisation et des mois de réadaptation.
 
Pour la fondatrice du Laboratoire sur la sécurité dans les transports, un bon bout de chemin a été fait depuis 20 ans pour améliorer la sécurité routière. Mais il ne faut pas s'arrêter là. «On peut encore travailler à la réduction du nombre de "points noirs", ces endroits connus où on rapporte des accidents à répétition. On peut développer de nouveaux systèmes intelligents de gestion du réseau. On peut aussi poursuivre les campagnes de prévention contre la vitesse excessive, et améliorer la conception des automobiles.»
 
Un premier guide complet sur les services aux blessés
 
Que vous habitiez rue Saint-Denis à Montréal, ou sur une route rurale du Nunavik, il existe un scénario pour s'occuper de vous s'il vous arrive un accident de la route. Avant même d'arriver à l'hôpital, une dizaine de personnes auront été prévenues de votre malchance. D'abord les personnes présentes doivent, selon la loi, vous porter assistance. Puis l'une d'elles composera le 911, si vous êtes dans un grand centre, à la suite de quoi la centrale de coordination des appels urgents enverra des ambulanciers qui communiqueront avec l'hôpital.
 
«Un des grands changements à être survenus sur le plan du secours aux blessés est l'extension du service 911 à la quasi-totalité du Québec», signale Claire Laberge-Nadeau, qui vient de publier, avec l'étudiante au doctorat Isabelle Huot et le chercheur Stéphane Messier, un premier guide complet sur les services aux blessés de la route. Mais cette initiative n'est qu'un exemple des changements survenus dans les soins aux victimes de la route avant, pendant et après leur séjour à l'urgence. Dans un document des services préhospitaliers d'urgence du ministère de la Santé et des Services sociaux, on note par exemple que l'objectif d'intervention visé est de huit minutes en territoire urbain, quinze minutes en territoire suburbain et quarante-cinq minutes en territoire isolé.
 
L'essentiel du guide produit par le Laboratoire sur la sécurité des transports est consacré aux services posthospitaliers. Il s'agit d'un inventaire complet des services offerts aux blessés de la route, des politiques d'indemnités de la Société d'assurance automobile du Québec aux camps de vacance spécialisés pour personnes souffrant d'un handicap physique ou intellectuel. On trouve aussi de l'information sur les services de réadaptation, les aides techniques, les ressources résidentielles, le transport adapté, etc.

Ce travail, mené comme un véritable projet de recherche universitaire, a nécessité deux ans de travail et a été rendu possible grâce à don majeur de la Fondation Jean Meloche. Cette Fondation, dont la mission est d'encourager les jeunes chercheurs, a été crée en 1994 en l'honneur du fondateur du groupe d'assurance Meloche Monnex. «Les assureurs connaissent bien les conséquences des accidents de la route; ils sont donc sensibles aux programmes de prévention et aux recherches dans le domaine», conclut Mme Laberge-Nadeau.
 
Le guide est intégralement accessible sur internet à l'adresse suivante:
http://www.crt.umontreal.ca/CRT/guide-blesses-route/
 
On peut aussi commander le guide en joignant un chèque au montant de 28 $ à l'ordre du Centre de recherche sur les transports de l'Université de Montréal, C.P. 6128, Succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7.
 
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Renseignements:
Marie-Claude Chalvignac
Université de Montréal
(514) 343-7704

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Dernière modification : 16 décembre 1998