Volume 40 - numÉro 1 - 29 août 2005 |
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À Kahnawake, la tradition sert l’adaptation à la modernitéLe projet Kanata 2000 permet à la communauté autochtone de gérer son développement résidentiel
Si l’implication de certains groupes d’autochtones dans le défi des lois fait régulièrement les manchettes, leurs projets de prise en main et de responsabilisation font moins parler d’eux. À Kahnawake, le projet résidentiel Kanata 2000 est pourtant considéré comme une expérience pilote exemplaire au Canada. «Il s’agit d’un projet prévoyant la construction de 32 maisons individuelles, intergénérationnelles, écologiques et intégrées à l’environnement», explique Robert Kasisi, professeur à l’École d’architecture de paysage. Dans son cours d’écologie appliquée, le professeur amène chaque année ses étudiants visiter et analyser des projets d’aménagements écologiques de ce genre. Celui de Kahnawake a reçu une attention particulière puisque sa coordonnatrice, l’environnementaliste Lynn Katsisaronkwas Jacobs, est régulièrement invitée comme conférencière dans les cours de M. Kasisi. De plus, le projet a fait l’objet d’un atelier de maitrise, d’une présentation à l’ACFAS et d’un article dans le récent ouvrage collectif Mouvements sociaux et changements institutionnels (PUQ, 2005), article signé avec Marie-Pierre Chevrier, alors étudiante à la maitrise. Bien que les auteurs se défendent de donner dans le rousseauisme, l’article soutient la thèse de l’écologisme du savoir traditionnel autochtone. Le projet est décrit comme «la traduction d’une manière ancestrale de vivre en équilibre avec la nature». Quoi qu’il en soit de cet arrière-fond culturel quelque peu idéaliste, Kanata 2000 constitue, selon le professeur, un excellent exemple d’intégration écologique et de gestion communautaire dont les données sont transposables. Habitat écologiqueLe projet Kanata 2000 (mot iroquoien signifiant «peuplement» ou «village» et qui a donné le nom au pays) s’étendra sur 10 ans et les maisons sont avant-gardistes en matière d’écologie. Les murs sont isolés avec des ballots de paille, une technique récemment adaptée à notre environnement et qui offre des propriétés isolantes – tant contre le froid que contre la chaleur – plus grandes que les procédés traditionnels. Les habitations ne comportent pas de cave parce que la nappe phréatique est trop élevée; les planchers des rez-de-chaussée sont chauffés par des conduites d’eau elles-mêmes réchauffées à l’énergie solaire. Les maisons sont orientées sud-sud-est pour profiter au maximum du soleil. La consommation d’eau des toilettes est réduite de moitié. La facture énergétique de la maison modèle, qui a couté 85 000 $, est de 30% inférieure à celle d’une maison classique comparable et les frais d’entretien sont de 20 à 40% inférieurs. De plus, le projet prévoit une récupération de l’eau de pluie et le remplacement du système d’épuration des eaux usées par l’aménagement de marais filtrants. «Au début, nous pensions que c’était un projet de maisons écologiques, mais il s’agit d’un véritable habitat écologique prenant en considération tous les éléments environnementaux, déclare Robert Kasisi. On se préoccupe des plantes sur le lieu de construction, on prévoit le recyclage, la réutilisation des déchets et l’épuration des eaux. Il est étonnant de trouver un exemple de ce type chez les autochtones, qu’on imagine encore dans des tipis.» À son avis, toutes ces innovations sont transposables dans d’autres milieux. Il se réalise d’ailleurs de plus en plus de projets de ce genre dans les communautés autochtones du Nord. Appropriation collectiveLe professeur juge particulièrement réussie l’appropriation collective d’une solution à un problème criant, qui est le manque de planification dans la construction des habitations à Kahnawake. Toutes les phases du projet, de la conception jusqu’à l’entretien des maisons, ont été prises en charge de façon communautaire. Les résidences sont conçues en fonction des besoins de la population et en respectant la culture. Près de 1500 heures de travail bénévole ont aussi été fournies par des membres de la communauté, ce qui a permis un apprentissage de techniques traditionnelles, comme la fabrication de briques de glaise, ou de techniques de pointe, comme l’installation de capteurs solaires.
«Ces gens vivent encore le communautarisme et ce projet a contribué à les rapprocher davantage, estime le professeur. La participation communautaire dans la planification permet une responsabilisation et assure une meilleure gestion. La solidarité, qui fait partie de la tradition mohawk, leur a permis de survivre et c’est cette même solidarité qui leur permet de s’adapter à la modernité tout en puisant dans leur culture.» Le professeur Kasisi, qui travaille également auprès des Pygmées d’Afrique centrale, voit certaines similitudes entre ces deux peuples autochtones qui, à l’origine, étaient nomades. «Il faut des générations pour perdre des habitudes liées à un mode de vie ancestral, indique-t-il. Quand on est nomade, l’entretien des maisons ne fait pas partie de la réalité. En revanche, la mobilité permet de mieux gérer les ressources naturelles de la chasse et de la cueillette. Cet aspect de la culture peut être réutilisé pour sensibiliser les jeunes aux problèmes de l’environnement.» La prochaine visite de projet intégré se fera ce mois-ci à Rouyn-Noranda, pendant cinq jours et avec 80 étudiants! Daniel Baril |
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