Hebdomadaire d'information
 
Volume 40 - numÉro 8 - 17 octobre 2005
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

année internationale de la physique

La matière dans son quatrième état

Expansion d'un plasma produit par l'interaction d'un faisceau laser avec un bloc d'aluminium. Le tout se passe en moins d'une microseconde.

Le commun des mortels connait la Lune et les étoiles, a entendu parler du bigbang, de la relativité et peut-être aussi des supercordes, mais ne sait rien des plasmas, ignorant même jusqu’à leur existence. Confronté à la traditionnelle question «Que faites-vous dans la vie?» le «plasmicien» est souvent contraint d’expliquer, en accéléré et sans reprendre son souffle, les atomes, le rayonnement, les électrons libres, la force électromagnétique… et de préciser que «Non, je ne travaille pas avec le sang!» À force de répéter à l’envi ce refrain, il rêve de la popularité médiatique de son collègue astrophysicien dont le domaine passe si bien à la télévision. Pourtant, les plasmas accompagnent nos vies de l’aube au crépuscule et même la nuit, depuis le Soleil qui nous éclaire jusqu’au tube fluorescent de nos cuisines ou de nos bureaux.

Qu’est-ce donc qu’un plasma? Tout simplement de la matière portée à un état d’énergie telle que les atomes ont perdu un ou plusieurs électrons. Sous sa forme la plus simple, le plasma apparait comme une soupe d’ions positifs et d’électrons libres. La liberté associée à cet état se traduit par l’existence de champs électromagnétiques qui confèrent à la matière des propriétés spéciales, dites collectives. Ceci signifie que, si l’on écarte un électron de sa position par exemple, on perturbe l’ensemble du système, qui se met alors à osciller pour rétablir l’équilibre. «Très bien, mais que fait-on avec cela?» demandera monsieur ou madame Tout-le-monde. Beaucoup de choses en fait, car le plasma est également le siège de nombreux phénomènes fort intéressants dont les applications sont extrêmement variées et touchent, d’une façon ou d’une autre, à presque tous les secteurs industriels.

On sait que le Soleil n’est pas comparable au tube fluorescent... Il n’existe donc pas un, mais plutôt des plasmas, chacun doté de propriétés différentes, même si certaines sont communes à la majorité d’entre eux. Ainsi, la plupart sont émetteurs de lumière, visible ou non, laquelle peut être récupérée pour des applications diverses, l’éclairage entre autres. Beaucoup de sources lumineuses sont des plasmas. En plus des traditionnels tubes fluorescents déjà évoqués, c’est le cas en particulier de certains types de lasers (les fameux lasers à excimère utilisés pour la chirurgie de la myopie) et de lampes. C’est cette propriété qu’on exploite aussi dans les écrans télé à plasma – des moniteurs visuels extraplats de dimensions appréciables et libres des problèmes d’angle de visionnement que posent les écrans à cristaux liquides.

Les plasmas, c’est en outre cette découverte récente qui a fait la une de la célèbre revue Nature : la génération, par interaction laser-plasma, d’un faisceau d’électrons auquel on a donné le nom de dream beam («faisceau de rêve»). Il s’agit d’un faisceau si monoénergétique qu’il pourrait être à l’origine d’une véritable révolution technologique dans la conception d’accélérateurs de particules dont le cout serait moindre et la taille beaucoup plus modeste que ceux des accélérateurs classiques.

Le plasma, enfin, est un milieu hors équilibre dans lequel les molécules initiales sont partiellement ou intégralement décomposées pour former des radicaux, c’est-à-dire des molécules fractionnées qui n’existent pas à l’état «normal». L’intérêt de cette fragmentation, c’est que ces radicaux peuvent être réactifs et interagir chimiquement avec la matière. On parle ici d’une propriété qu’on exploite dans beaucoup d’applications, dont la modification de matériaux et leur synthèse sous forme de couches minces ou de nanoparticules, la destruction de gaz à effet de serre et celle d’agents pathogènes (comme le prion responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob). Ce sont de telles avenues de recherche que les professeurs du Groupe de physique des plasmas de l’Université de Montréal suivent depuis des années. Avec leurs collègues de l’Institut national de la recherche scientifique, de l’Université McGill et de l’Université de Sherbrooke, et en collaboration avec des chercheurs issus des milieux gouvernemental et industriel travaillant dans des secteurs divers, ils ont fondé le regroupement Plasma-Québec, dont les buts sont d’agir comme guichet unique vis-à-vis des utilisateurs néophytes de plasmas et de publiciser et promouvoir les études en physique des plasmas.

La physique des plasmas, peut-être moins glamour que d’autres secteurs de la physique, est en tout cas bien vivante et a encore le potentiel de révolutionner la vie quotidienne, et ce, sans que nous en ayons conscience!

Joëlle Margot
Professeure titulaire au
Département de physique

Collaboration spéciale

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