Volume 40 - numéro 18 - 30 janvier 2006 |
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Le rire est bienfaiteur, mais n’est pas une panacéeLa Dre Brigitte Stemmer cherche des preuves scientifiques des bienfaits du rire
La liste des bienfaits du rire est longue, selon plusieurs. L’humour pourrait réduire la douleur, améliorer les fonctions cognitives, prévenir les maladies cardiovasculaires, chasser le stress et même augmenter l’espérance de vie. Mais le rire permet-il réellement de recouvrer la santé? C’est la question à laquelle a tenté de répondre la Dre Brigitte Stemmer, titulaire de la Chaire en neurosciences et neuropragmatique, qui était l’invitée des Conférences grand public de l’Observatoire Vieillisement et société de l’Institut universitaire de gériatrie le 19 janvier. La communication de Mme Stemmer, aussi professeure de linguistique et traduction à la Faculté des arts et des sciences, a déboulonné quelques mythes relatifs aux vertus curatives du rire. «Le bons sens nous dicte que le rire aide à la détente, mais de là à dire que l’humour aurait un effet bénéfique sur notre système immunitaire… Ce n’est pas sérieux», estime la chercheuse. Se faisant l’avocate du diable, elle cite quelques recherches dont les résultats vont à l’encontre de la croyance populaire. L’une d’elles aurait même démontré qu’un sens de l’humour très développé pouvait parfois nuire à la santé. «Parmi les 70 000 sujets, ceux qui manifestaient un grand sens de l’humour avaient un système cardiovasculaire déficient en plus de souffrir d’hypertension, d’obésité et de cholestérol, relate Mme Stemmer. En analysant les données, les chercheurs ont découvert que ces personnes ne prenaient pas assez au sérieux certains signes avant-coureurs de la maladie et qu’elles aimaient prendre des risques.» Même si Mme Stemmer croit que le rire n’a pas uniquement un rôle social – «cette fonction typiquement humaine nous aide certainement à traverser les épreuves», admet la professeure –, elle cherche des preuves scientifiques de ses effets bénéfiques sur notre corps. «Selon certaines études, souligne-t-elle, le rire serait associé à une tension artérielle réduite et il augmenterait la tolérance à la douleur. L’incidence positive sur le système immunitaire est toutefois loin d’être aussi évidente.» À son avis, trop peu de scientifiques s’intéressent sérieusement à l’humour et à ses vertus thérapeutiques. «Les études menées dans le domaine sont rarement concluantes et parfois de qualité douteuse parce qu’elles s’inscrivent dans le débat du “pour ou contre” et laissent transparaitre l’opinion des chercheurs», constate Mme Stemmer. C’est pourquoi le sujet l’intéresse particulièrement. Le rire, c’est du sérieuxDans ses travaux sur la façon dont le cerveau communique et interagit avec autrui, Brigitte Stemmer tente de mieux comprendre les répercussions que peuvent avoir sur cette capacité les maladies qui affectent le cerveau. À l’Institut universitaire de gériatrie, où elle travaille auprès de gens atteints de la maladie de Parkinson, elle a constaté que quelques patients sont insensibles à l’humour. «On observe le même phénomène chez certaines personnes qui ont une défaillance au lobe frontal droit à la suite d’un accident cérébrovasculaire, précise la Dre Stemmer. Certains chercheurs pensent qu’une diminution dans le cerveau de la dopamine, un neurotransmetteur lié à la gratification, pourrait expliquer l’absence de réaction à l’égard du plaisir. Mais rien ne le prouve encore.» «Grand mystère depuis la nuit des temps, l’humour et le rire ont intrigué Platon, Aristote, Descartes, Kant et Freud, qui ont tous écrit sur cette faculté apparemment propre aux êtres humains, peut-on lire dans un article publié en 2003 dans la revue Les diplômés de l’Université de Montréal. Défini par le chercheur canadien-anglais Rod Martin comme “un large éventail de phénomènes associés à la perception, l’expression ou l’appréciation d’idées, de situations ou d’évènements amusants, comiques, absurdes ou incongrus”, l’humour ferait appel à des manifestations cognitives, émotionnelles, comportementales, psychophysiologiques et sociales.» Mais pourquoi rit-on? Quelles régions du cerveau sont activées lorsque nous nous dilatons la rate? Y a-t-il une différence chimique dans le cerveau des gens en santé et ayant une prédisposition à facilement s’esclaffer? «La science fournit malheureusement peu de réponses à ces questions», affirme la Dre Stemmer, qui est reconnue pour apprécier les bonnes blagues. De nombreux thérapeutes n’ont pas attendu les preuves scientifiques des bienfaits du rire thérapeutique pour utiliser l’humour dans des psychothérapies de groupe. Et les résultats semblent effectivement montrer que le rire, s’il est utilisé à bon escient, peut s’avérer un précieux allié. Les vertus antidéprime du rire semblent aussi être une évidence. Reprenant un mouvement international lancé il y a 20 ans par le médecin américain Patch Adams, les services de pédiatrie des hôpitaux ouvrent désormais leurs portes à des clowns qui viennent soutenir le moral des enfants malades. Chaque année, plus de 35 000 bambins québécois oublient ainsi pendant quelques instants leur maladie. Toutes ces initiatives semblent vouloir souligner le rôle essentiel du rire dans l’équilibre émotionnel. Mais pour le moment, comme le rappelle la Dre Brigitte Stemmer, une seule certitude existe. «Mieux vaut ne pas attendre d’être à l’hôpital pour rire de bon cœur!» Dominique Nancy |
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