Volume 40 - numÉro 23 - 13 mars 2006 |
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Les pays pauvres profitent du microcréditChristian Girard, lauréat de la bourse de la Fondation Trudeau, étudiera les effets du microcrédit au Sénégal
Christian Girard a une vision plutôt positive du microcrédit. «C’est bien plus qu’un simple outil générateur de revenus, dit-il. En donnant directement aux pauvres, et en particulier aux femmes, les moyens d’agir, il permet de réduire la pauvreté et la faim tout en contribuant au développement économique d’une région. Lorsque le prêt est soutenu grâce à l’engagement de multiples personnes pour le bien des gens désireux de se réaliser, le taux de remboursement est supérieur à 90%.» Mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a des organismes qui participent à ce type de financement en ne pensant qu’aux profits, déplore l’étudiant au doctorat en aménagement. Les adversaires du microcrédit s’opposent d’ailleurs souvent aux taux élevés de certains prêts. Réponse de Christian Girard à cette critique: «Les hommes et les femmes qui font appel au microcrédit n’ont pas d’autre accès au crédit parce que les garanties et le dépôt minimal exigés par les institutions financières sont trop stricts. Par conséquent, leur seul recours, ce sont les usuriers, qui appliquent des taux exorbitants. Les modalités d’accès et de remboursement des organismes de microcrédit sont pour la population des pays en voie de développement beaucoup plus flexibles comparativement au crédit traditionnel. Toutefois, la mesure de l’incidence du microfinancement sur la pauvreté extrême a été peu étudiée.» Le jeune homme de 28 ans vient de recevoir l’un des prestigieux prix de recherche décernés annuellement par la Fondation Trudeau pour explorer cette problématique. D’une valeur de 150 000$, cette bourse, attribuée à la mémoire du politicien, lui permettra de se rendre au Sénégal, où le ministère de l’Entreprenariat féminin et du Microcrédit déploie des efforts considérables dans le domaine. «Le microcrédit connait un fort succès au Bangladesh depuis 30 ans, souligne le lauréat. Je veux comparer ces deux pays du point de vue du microcrédit comme outil et mode de financement du développement.» L’étude du chercheur en première année au doctorat pourrait bien évoluer vers les stratégies de développement sur la scène locale, la sécurité alimentaire dans les villes ou encore la gestion des services multiples. «C’est un projet de recherche en développement, admet l’étudiant, qui fait partie du mouvement scout depuis l’âge de 10 ans. Quel que soit l’angle privilégié, il y aura un aspect économie sociale et solidaire», assure-t-il. Parole de scout! Ce sont majoritairement des femmes qui bénéficient du microcréditPrenant ses sources au Bangladesh dans les années 70, le crédit communautaire a rapidement débordé les frontières de ce pays d’Asie, rappelle Christian Girard. Actuellement, 3000 organisations dans le monde font du microcrédit, selon le journal Les affaires. Pour encourager cette formule et souligner les multiples avantages que confère aux démunis cette accessibilité au crédit, les Nations unies ont décrété l’année 2005 année internationale du microcrédit. «Longtemps assimilé à de la charité, le microcrédit s’inscrit aujourd’hui dans une sphère plus vaste qui comprend d’autres outils financiers tels que l’épargne, la microassurance et d’autres produits qui forment la microfinance», explique le chercheur. Par microcrédit, ajoute-t-il, on entend de petits prêts allant de 50 à 10 000$ consentis à des individus ou à des groupes qui ont des projets d’entreprise, mais qui n’ont pas la crédibilité financière requise pour satisfaire aux critères des grandes banques. «Parmi eux, on trouve des femmes, des artisans, de petits exploitants agricoles et des commerçants, indique Christian Girard. Ce sont très majoritairement des femmes qui bénéficient du microcrédit dans le monde.» Tout en favorisant la lutte contre la pauvreté, le microcrédit leur a permis de prendre leur place dans la société, se réjouit-il. À son avis, le microcrédit n’empiète pas sur les autres programmes humanitaires dont l’aide sous forme de dons est accordée lorsque surviennent des situations d’urgence ou pour des projets de développement. «Le microcrédit améliore la situation des plus pauvres, mais il n’élimine pas les besoins en matière sociale et en infrastructures collectives», note-t-il. Personnalité par excellence 2004Titulaire d’une maitrise en études internationales de l’Université de Montréal et d’un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal, Christian Girard accumule les honneurs comme d’autres collectionnent les timbres. Quatre fois «lauréat du mérite» de la Banque de Montréal, il a reçu une bourse d’excellence à l’admission de HEC Montréal, une bourse de mobilité du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, et deux bourses de fin d’études pour sa maitrise de l’UdeM. Mais s’il se distingue de façon exceptionnelle par la qualité de son dossier scolaire, le doctorant en aménagement est plus qu’un étudiant doué: le chercheur qui parle plusieurs langues, dont l’allemand et l’espagnol, allie l’intelligence au sens du devoir et se préoccupe du sort de ses contemporains. En collaboration avec l’association Gabriela Mistral de Lima et un groupe de scouts qu’il a contribué à former, le Carrefour Notre-Dame-de-Grâce, il a mis sur pied, il y a six ans, un projet de coopération internationale venant en aide aux élèves en difficulté de Huascar, au Pérou. Pour ses efforts visant à améliorer le sort des jeunes des bidonvilles et son engagement de 10 ans comme animateur scout, l’organisation Forces Avenir lui a décerné en 2004 le titre de «personnalité par excellence». Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, La Presse l’a nommé en octobre de la même année «personnalité de la semaine». «Je veux participer à l’effort collectif pour bâtir un monde meilleur», affirme modestement Christian Girard, pour qui l’éducation fait partie des besoins fondamentaux. Le scoutisme a éveillé son intérêt pour la coopération internationale. C’est toutefois grâce à son expérience de bénévolat en Amérique latine qu’il a pris conscience de l’absence de ressources essentielles dans les pays en voie de développement. «Mes séjours à titre de coopérant m’ont donné le gout de retourner sur le terrain et de consacrer davantage de mon temps aux sociétés d’ailleurs vivant dans la pauvreté», confie-t-il. La bourse Trudeau qui lui a été remise reconnait ses années d’engagement. «C’est un honneur, dit Christian Girard, de recevoir une bourse aussi prestigieuse qui me permettra de réaliser un rêve: combiner études, travail et voyages dans un domaine qui me passionne, la coopération internationale et, plus particulièrement, l’aide aux pays en développement.» Dominique Nancy |
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