Volume 40 - numÉro 23 - 13 mars 2006 |
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«Chéri, sommes-nous compatibles?»Dans son doctorat, Justine Lorange explore la compatibilité des conjoints
Les couples qui partagent les mêmes gouts ou qui ont des personnalités compatibles sont-ils susceptibles de connaitre plus de succès que les couples «mal assortis»? C’est ce que cherchera à découvrir Justine Lorange, qui consacre sa thèse de doctorat à cette question au Département de psychologie. «Il y a longtemps que les spécialistes de la thérapie conjugale s’interrogent sur la compatibilité des conjoints, explique-t-elle. Instinctivement, ils estiment que la compatibilité est à la base de l’harmonie entre deux personnes. Pourtant, à part quelques recherches peu valables, aucune étude scientifique notable n’a jamais exploré la question.» Grâce à la collaboration de plus de 200 couples recrutés à la clinique Poitras-Wright-Côté, de Longueuil, une clinique spécialisée en thérapie conjugale, les grands enjeux de la vie à deux sont sondés de façon approfondie. Par exemple, les répondants doivent évaluer, sur une échelle de 1 (toujours en accord) à 6 (toujours en désaccord), leur satisfaction par rapport aux manifestations d’affection, aux conventions sociales, aux amis, aux beaux-parents et à l’intimité. Ils sont aussi appelés à préciser leur compatibilité en matière de sports, de religion et d’argent. Quant aux relations sexuelles, elles sont traitées dans un questionnaire distinct. Les couples doivent de plus se questionner sur leurs divergences d’opinions et sur des évènements significatifs de la vie à deux: combien de fois leur arrive-t-il d’avoir un «échange d’idées stimulant», de «rire ensemble», de «discuter calmement» ou de «travailler ensemble sur quelque chose»? La fréquence va de «jamais» à «plus souvent qu’une fois par jour»... Les questionnaires utilisés sont des outils qui ont fait leurs preuves en psychologie, mentionne Justine Lorange. Dans le questionnaire général (le «test Néo», disent les spécialistes), distribué avant et après la thérapie conjugale, on peut distinguer plusieurs facteurs marquant la personnalité: ouverture, conscience, extraversion, amabilité et névrosisme. Un questionnaire sur les expériences amoureuses permet également de préciser quatre types d’attachement: sécurisant, craintif, détaché et préoccupé. «Notre recherche tentera d’explorer le maximum de variables, indique-t-elle. Elle innove particulièrement sur le fait d’intégrer à la liste des composantes des éléments comme la personnalité et l’attachement.» Surprises en vueUne trentaine de couples ont pris part à la recherche jusqu’à maintenant. Vu l’enthousiasme des participants, Justine Lorange croit que son échantillon de 200 couples sera constitué dans la prochaine année. Pourrait-elle avoir des surprises? Tout le monde connait des couples dont les traits de caractère sont diamétralement opposés et qui sont pourtant très amoureux. «C’est possible, commente l’étudiante. Mais d’autres genres de surprises nous attendent: par exemple, des conjoints qui semblent nettement différents mais qui, dans l’intimité, sont plus compatibles qu’il y parait. C’est ce que nous verrons dans l’analyse des questionnaires.» Intuitivement, l’aspirante psychologue estime que la compatibilité entre conjoints demeure un atout. «La satisfaction dans le couple peut avoir une multitude de facettes. Mais il me semble que la compatibilité est un élément très important, surtout quand surviennent des situations difficiles.» Toutefois, même les couples les plus «compatibles» gardent leurs jardins secrets. Justine Lorange a remarqué que les conjoints tiennent à la confidentialité des questionnaires, remplis de façon individuelle. «La plupart d’entre eux n’échangent pas leurs réponses, souligne Mme Lorange. Cela fait partie de leur intimité.» La thérapie conjugale en questionSous la direction de John Wright, un spécialiste renommé de la recherche sur le couple qui dirige également le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, le doctorat de Justine Lorange s’inscrit dans une vaste réflexion sur les succès et insuccès des thérapies conjugales. M. Wright a notamment étudié l’efficacité de la thérapie conjugale en analysant les 48 principales recherches effectuées en Amérique et en Europe sur cette question (voir Forum du 26 septembre 2005). Le travail de Justine Lorange comporte un volet «clinique» puisque les questionnaires sont présentés à deux reprises aux répondants – avant et après les séances de thérapie – de façon à mesurer l’évolution de leur relation. Le thérapeute reçoit lui aussi un questionnaire afin de donner son point de vue. Le tout vise à préciser les effets sur le couple d’une thérapie conjugale. Une autre étudiante au doctorat, Josianne Mondor, prend en charge ce volet. La thérapie conjugale n’est pas une solution miracle aux problèmes de couple, rappelle Justine Lorange. Mais c’est une façon de plus en plus courante de prévenir les situations conflictuelles. D’ailleurs, un nombre grandissant de couples consultent un spécialiste avant de voir leur relation s’envenimer même lorsque leur décision de se séparer est prise. «On ne considère plus la séparation à l’issue des séances comme un échec, fait observer la doctorante. C’est un phénomène assez nouveau. Certains couples qui envisagent la séparation consultent un thérapeute conjugal non pas dans le but de sauver le couple mais afin de bien réussir leur séparation.» Mathieu-Robert Sauvé |
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