Volume 41 - numÉro 8 - 16 octobre 2006
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Donner du Prozac à son chat pour le soulagerDiane Frank invite le public à une journée complète sur le comportement félin
Chaque semaine, la Dre Diane Frank reçoit dans sa clinique des clients angoissés, stressés ou anxieux. Elle les écoute, les ausculte, pose un diagnostic et propose un traitement. Ses patients? Des chats et des chiens en majorité, mais elle a aussi été consultée pour des problèmes comportementaux chez des chimpanzés, des chevaux et des oiseaux. «Une grande partie de mon travail consiste à faire comprendre aux propriétaires d’animaux que leur bête peut avoir des comportements indésirables mais normaux, explique-t-elle au cours d’une entrevue à Forum. C’est dans certains cas à eux plus qu’à leur animal de compagnie de changer leurs attitudes.» La Dre Frank, qui enseigne à la Faculté de médecine vétérinaire et mène des recherches sur le comportement animal, est actuellement la seule vétérinaire canadienne (avec le Dr Gary Landsberg, de Toronto) à être agréée par l’American College of Veterinary Behaviorists. Sa spécialité est reconnue depuis 1995 aux États-Unis au même titre que la chirurgie ou l’anesthésie vétérinaires. Que fait une spécialiste du comportement animal? Comme dans les cabinets médicaux, elle reçoit des patients envoyés par des confrères et met son expertise à leur service. «J’ai moi-même pratiqué la médecine vétérinaire pendant 13 ans dans une clinique pour animaux de compagnie, à Rosemère, et je n’avais pas toujours les réponses aux questions posées par les maitres sur le comportement de leur animal. C’est ce qui m’a décidée à aller faire une résidence dans cette discipline de 1996 à 1998 à l’Université Cornell.» Pour satisfaire à une demande maintes fois exprimée par des amoureux des chats, la spécialiste s’est résolue à prononcer une conférence d’une journée complète, le 4 novembre prochain, intitulée «Comment lire et bien interpréter le comportement de son chat». Ouverte au public, cette conférence permettra de découvrir le langage corporel parfois subtil du chat, ses besoins environnementaux et sociaux, ses facultés d’apprentissage, etc. Même si l’activité n’est pas gratuite (inscription: 136,74$ pour le public et 68,27$ pour les étudiants), une quarantaine de personnes ont déjà réservé leur place et l’on attend, au total, une centaine de participants. Caméra cachéeComment traiter un chat ou un chien au comportement problématique? D’abord, le propriétaire doit répondre par écrit à un questionnaire sur le comportement général de l’animal. Rien n’est ignoré: son appétit, ses mictions, son sommeil. Comment se lèche-t-il le corps? Se frotte-t-il la tête sur les personnes ou sur les meubles? Joue-t-il? Va-t-il à l’extérieur? Est-il agressif envers les autres chats ou les personnes? Se masturbe-t-il? La spécialiste voudra aussi savoir qui interagit avec le chat: y a-t-il dans son entourage des enfants? des personnes âgées? d’autres animaux? D’où provient-il? Ce questionnaire permet de gagner du temps au moment où le patient et le propriétaire se présentent à la clinique de médecine du comportement. Mais ce n’est pas tout. Souvent, le patient aura été filmé... à son insu. «Nous demandons aux propriétaires de filmer l’animal dans son environnement afin de pouvoir bien documenter le cas. S’il s’agit d’un animal anxieux lors des séparations, je leur demande de mettre en marche la caméra quand ils quittent la maison. Certains chiens hurlent pendant de longues périodes, d’autres urinent ou défèquent. D’autres encore iront jusqu’à manger leurs selles avant le retour des maitres, qui ignorent la chose... jusqu’à ce qu’ils le voient sur vidéo.» En raison du temps qu’elle doit consacrer à chaque cas qui fait l’objet d’une consultation, la Dre Frank ne fait qu’une journée de clinique par semaine (de trois à quatre consultations par jour). Sa clientèle compte neuf propriétaires de chiens pour un seul de chat et on la consulte surtout pour la dangerosité ou l’anxiété de séparation chez le chien et pour la malpropreté ou l’agression chez le chat. La consultation moyenne dure environ une heure à un tarif de 175$. Cela inclut la rédaction du rapport, qui prend environ une autre heure. Toutes les consultations ne se terminent pas par la remise d’une ordonnance. Elle donne l’exemple de cette étudiante en médecine vétérinaire dont le chat ne la quittait pas d’une semelle au point de l’empêcher d’étudier. Le félin repoussait les notes, se couchait sur le clavier de l’ordinateur... «Je lui ai demandé ce qu’à son avis son chat cherchait à communiquer exactement. Un manque d’attention, m’a-t-elle répondu. Je lui ai donc suggéré d’accorder cinq minutes de caresses à son animal avant chaque séance d’étude. Le problème a disparu. Elle pouvait étudier deux heures complètes sans être importunée.» Antidépresseurs pour chatsComme tout professeur dans une faculté universitaire, la Dre Frank mène des travaux de recherche. Ses travaux récents portent sur l’effet du transport en camion chez le chien, l’âge à partir duquel apparaissent les premiers symptômes de l’anxiété de séparation et l’utilisation des antidépresseurs chez le chat. Depuis plus de 10 ans, la Dre Frank prescrit régulièrement du Prozac à ses patients quadripèdes. Et ça fonctionne? «Très bien, répond-elle avec assurance. C’est la meilleure façon de traiter certains animaux aux prises avec des problèmes graves.» Par exemple, des chiens phobiques peuvent se jeter sur les murs et défoncer des moustiquaires lorsqu’ils entendent des bruits. Plusieurs sont terrorisés par le tonnerre, notamment. D’autres sont si agressifs qu’ils mordent et griffent au sang les autres animaux domestiques ou leur maitre. Comme il n’existe aucun antidépresseur reconnu pour le chat (la clomipramine et la sélégiline sont approuvées en médecine vétérinaire, mais leur application est restreinte aux chiens), la littérature scientifique recommande l’utilisation du Prozac ou encore les comprimés de clomipramine du chien. Le médicament peut être administré sous forme liquide dans la nourriture ou sous forme de capsules préparées spécialement pour les chats. Diane Frank a été nommée en 2006 professeure agrégée. Pourtant, elle ne se voyait pas poursuivre une carrière universitaire lorsqu’elle est devenue vétérinaire, en 1983. Ce sont ses études aux États-Unis qui ont provoqué le déclic. Puis, comme chargée de cours à l’hôpital vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie, la voie s’est tracée d’elle-même. «J’ai adoré le contact avec les étudiants, souligne-t-elle. C’était stimulant, excitant, emballant. Particulièrement lorsque je n’avais pas les réponses à leurs questions. C’était à moi de les trouver.» On lui a offert un poste à la Faculté de médecine vétérinaire en 2001, où elle avait étudié 20 ans plus tôt. Mathieu-Robert Sauvé Pour assister à la conférence «Comment lire et bien interpréter le comportement de son chat», on communique avec Diane Lussier, au Service de la formation continue de la Faculté de médecine vétérinaire, au 450 773-8521, poste 8282, ou à <sfe-extension@medvet.umontreal.ca>.
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