Volume 41 - numÉro 24 - 19 MARS 2007
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Les biopesticides Bt ne sont pas assez utilisésJean-Louis Schwartz mène des recherches sur différentes souches du bacille
Découvert en 1911 et utilisé depuis les années 30, Bacillus thuringiensis (Bt) est aujourd’hui l’insecticide biologique le plus répandu dans le monde. Mais ses ventes représentent moins de deux pour cent à peine du marché des pesticides, évalué à 30 G$. «À l’heure actuelle, il y a des dizaines de milliers de souches de Bt qui sont conservées dans des banques en attendant d’être caractérisées», indique Jean-Louis Schwartz, professeur au Département de physiologie. Depuis une quinzaine d’années, le professeur Schwartz s’est concentré sur le mode d’action moléculaire et cellulaire des protéines formant des pores dans les membranes cellulaires, en particulier les protéines bactériennes produites par Bt, Bacillus sphaericus et E. coli. Les travaux effectués avec Raynald Laprade, Vincent Vachon et leurs étudiants, ainsi qu’avec de nombreux collaborateurs au Canada et à l’étranger, sont à l’avant-garde quant à la compréhension du fonctionnement de Bt, l’amélioration de son efficacité comme bio-insecticide et la lutte contre la résistance qui pourrait apparaitre chez les organismes ciblés. Les plus récentes études de Jean-Louis Schwartz portent sur l’exploration de l’utilité clinique de souches de Bt naturel ou génétiquement modifié dans la lutte contre le cancer. Pour le professeur, les prochaines années devraient être celles de Bt et c’est tant mieux. En septembre dernier, l’Organisation mondiale de la santé lançait un appel afin d’encourager la vaporisation de DDT (dichlorodiphényltrichloréthane) dans la lutte africaine contre la malaria. Dénonçant cette approche, le spécialiste rappelle que cet insecticide neurotoxique induit des effets hautement néfastes. «Le DDT s’accumule dans la chaine alimentaire et persiste dans l’environnement», résume-t-il. La recherche sur Bt s’impose plus que jamais. La découverte en 1976 du sérotype israelensis (Bti) a stimulé la recherche sur d’autres souches actives contre les larves de diptères (moustiques et mouches noires), comme Bacillus thuringiensis sphaericus, qui exerce une action préventive dans le cas de la malaria, notamment au Cameroun, au Brésil et en Inde, et Bacillus thuringiensis morrisoni, dont l’effet larvicide démontré en laboratoire est aussi efficace que celui de Bti. Pour le professeur Schwartz, il est d’une importance stratégique majeure de mieux connaitre cet insecticide biodégradable puisqu’il pourrait s’avérer extrêmement précieux dans les années à venir. «Les insectes piqueurs peuvent être des vecteurs de maladies très graves, fait-il remarquer. D’ailleurs, on emploie d’immenses quantités de cet insecticide dans des pays où font rage des épidémies de malaria et d’autres maladies parasitaires, comme l’onchocercose, ou virales, telle la dengue.» Sans vouloir être alarmiste, le professeur Schwartz mentionne que le réchauffement climatique est susceptible d’ouvrir de nouveaux territoires aux insectes subtropicaux qui transportent des infections. «On voit ces maladies se déclarer dans des régions comme la Caroline du Sud et la vallée du Mississippi. Même chose pour le virus du Nil occidental; il y a cinq ans, on n’aurait jamais cru qu’on en trouverait des traces au nord de la frontière.» Sur le plan de la recherche médicale, de récentes expériences effectuées par des équipes japonaises, coréennes et canadiennes ont montré que certaines souches de Bt produisent des parasporines, des protéines qui détruisent de préférence certaines cellules cancéreuses du mammifère (cancers du foie, du côlon et du sang). Des travaux ultérieurs pourront mener à des applications cliniques. «Ces découvertes ont suscité un regain d’intérêt à l’égard de Bt», affirme M. Schwartz. L’usage de Bti au Canada Tablant sur l’efficacité et l’innocuité de Bt, les fabricants se sont alors tournés vers des applications dans les cultures maraichères. «Les producteurs de légumes, surtout de concombres, tomates et poivrons, utilisent Bt depuis plusieurs années, en particulier en serriculture. Les moyens biologiques de lutte contre les insectes ravageurs y sont peu nombreux; on recourt surtout aux pesticides chimiques, qui entrainent des problèmes encore plus aigus qu’en pleine nature», explique le codirecteur (avec Raynald Laprade) du Réseau Biocontrôle du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Homologué par Santé Canada en 1982, Bti est aujourd’hui reconnu pour son action larvicide sur 115 espèces de moustiques et 40 espèces de mouches noires, ouvrant la voie à une méthode sélective de la maitrise de maladies tropicales. «Il vise les vecteurs de maladies telles que la malaria, la dengue et l’onchocercose, première cause de cécité en Afrique. Le produit a ainsi sauvé des millions de personnes lors de campagnes en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est», précise-t-il. Au Québec, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs s’est attaqué au virus du Nil occidental. Dans le cadre d’un programme de prévention, il supervise depuis trois ans l’épandage de Bti dans certains milieux humides de zones périurbaines des régions de Montréal, de Laval, des Laurentides et de la Montérégie. Du chemin reste à faire Kim Soo Landry |
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