Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 28 - 23 avril 2007
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 Archives de Forum

Surprise: les éoliennes sont bruyantes

Les éoliennes connaissent une popularité grandissante. Des chercheurs se penchent sur des aspects moins connus de leur impact

Belles et silencieuses, les éoliennes? Cela dépend à qui l’on pose la question.

Leur énergie est propre et elles contribuent au développement économique de régions fragiles. Mais les éoliennes n’ont pas que des qualités: elles font du bruit. À la demande de Santé Canada, Tony Leroux, professeur à l’École d’orthophonie et d’audiologie, effectue une étude sur le phénomène, encore peu documenté.

«Plusieurs facteurs colorent la perception des gens, prévient M. Leroux. Pour plusieurs, il est difficile de s’opposer publiquement à une énergie considérée comme verte.»

Il y a actuellement au Québec deux grands parcs éoliens: celui de Cap-Chat, en Gaspésie, où il y a peu d’habitants mais de beaux paysages, compte 76 éoliennes et celui de la région de Matane, où les habitants sont plus nombreux, en comprend 57. Depuis l'an dernier, Baie-des-Sables a aussi son parc. Mais ce n’est là qu’un début, semble-t-il, puisque dès l’automne le nombre d’éoliennes pourrait quadrupler, le gouvernement québécois devant clore les appels d’offres à ce moment-là.

Peu de gens le savent, mais les pales des éoliennes émettent un sifflement, un «swish swish» constant au contact du vent. Lorsqu’elles passent près de la tour les supportant, elles font entendre un autre bruit. Pour M. Leroux et son équipe, il s’agit de mesurer deux choses, soit la qualité du sommeil et la gêne des résidants aux alentours.

Les quelques recherches menées – dans les pays scandinaves – font état d’«un sentiment de gêne significatif pour une proportion relativement importante de la population exposée, lorsque les niveaux atteignent 35 dB à l’extérieur», peut-on lire dans le sommaire de l’étude présentée par M. Leroux et son collègue Jean-Pierre Gagné.

Nos éoliennes sont également plus puissantes que les premiers prototypes, donc plus bruyantes. De plus, elles produisent un effet stroboscopique dans les habitations qui peut devenir irritant à la longue. En effet, les pales, installées à 150 m du sol, font de l’ombre à une hauteur qui varie en fonction des saisons.

Rencontre en Gaspésie
Au cours de l’hiver, les chercheurs se sont rendus en Gaspésie et ont rencontré les divers intervenants liés à ce dossier, les mettant en présence les uns et les autres. «Cette discussion n’avait pas eu lieu. Notre arrivée a provoqué des échanges animés», témoigne Tony Leroux. À l’issue de ces rencontres, les chercheurs ont pu concevoir un questionnaire destiné à évaluer la perception qu’ont les résidants de leur environnement, climat sonore compris. Les entrevues avec les habitants seront réalisées durant l’été.

Dans certains villages, l’installation des éoliennes a provoqué l’isolement des opposants, critiqués pour avoir protesté contre le développement économique de la région.

Des tensions sont en outre perceptibles lorsque des maires acceptent de voir s’élever des éoliennes sur leur terrain et, de ce fait, reçoivent des redevances.

D’ailleurs, les réactions des résidants à l’égard des éoliennes varient selon qu’ils reçoivent ou non des redevances. Le gouvernement dédommage les propriétaires dont les terrains accueillent des éoliennes.

L’importance des redevances – qui n’est pas la même à Cap-Chat qu’à Matane ou à Baie-des-Sables – entre en jeu, mais il y a aussi le fait que certains habitants subissent l’impact des éoliennes érigées juste à côté de leur maison mais sans en retirer aucun avantage puisqu’elles ne sont pas sur leur terrain.

Dans leur travail de préparation, les chercheurs citent une étude de 2003 qui se penche sur le parc éolien Le Nordais: «La contestation s’articule, principalement, autour des impacts négatifs sur le paysage et du bruit potentiel que pourrait engendrer la réalisation du projet. En effet, 44 des 49 opposants recensés ont utilisé l’argument de l’impact négatif sur le paysage alors que 30 d’entre eux ont mentionné le bruit comme irritant potentiel.»

Bref, «il n’est pas facile d’isoler l’effet du bruit des autres répercussions», souligne M. Leroux. Surtout que les éoliennes, dans un contexte où la population est de plus en plus sensible à la préservation de l’environnement, peuvent être vues comme une solution et comme un problème.

La recherche, intitulée «Évaluation des impacts sur la santé des populations vivant à proximité des parcs éoliens», doit prendre en compte à la fois l’intensité sonore des éoliennes, le spectre en fréquence du bruit produit, la durée de la perturbation sonore (qui est fonction des conditions météorologiques) et l’utilisation du sol.

Paule des Rivières

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