Édition du 22 septembre 2003 / volume 38, numéro 5
 
  Les parents manquent-ils de fermeté?
Le professeur Michel Claes a comparé les pratiques éducatives des parents québécois, français, belges et italiens.

Michel Claes

Le métier de parent n'est pas un métier facile. Surtout lorsqu'il faut choisir entre différentes approches parentales souvent contradictoires. Comment les parents des autres pays s'en tirent-ils?

C’est ce qu’a voulu savoir Michel Claes, professeur au Département de psychologie, en comparant les pratiques éducatives des parents québécois, français, belges et italiens.

Dans deux études différentes, l’une effectuée à l’aide d’entrevues semi-dirigées et l’autre au moyen d’un questionnaire, le professeur a analysé les relations familiales propres à ces quatre pays à la lumière des témoignages de quelque 1277 jeunes âgés de 11 à 18 ans.

Sur le plan des similitudes, quelques grands universaux ont été observés. «Partout, la mère est plus présente que le père auprès des adolescents et même dans l’exercice de l’autorité, souligne le professeur. Partout également, les filles sont plus surveillées que les garçons et souhaitent en outre un plus grand engagement de la part du père.»

Par ailleurs, le Québec et l’Italie sont diamétralement opposés quant au contrôle parental. «Le modèle québécois est beaucoup plus tolérant et mise davantage sur l’induction lorsqu’il y a un manquement de la part de l’adolescent alors que le modèle italien est plus punitif», explique le professeur.

Si, par exemple, l’adolescent rentre à la maison plus tard que convenu, le parent québécois va chercher à comprendre ce qui s’est passé alors que le parent italien n’accepte pas la désobéissance et passera à la punition, qui peut aller jusqu’à la gifle.

Toutefois, les parents italiens s’avèrent les plus affectueux et ceux qui entretiennent la meilleure communication avec leurs adolescents, bien que l’écart quant à cet élément soit moins marqué que par rapport au contrôle. «Il est reconnu que l’attachement du parent pour l’enfant est l’élément le plus déterminant d’une bonne éducation, affirme Michel Claes. Les enfants qui ont un bon rapport affectif avec leurs parents réussissent mieux à l’école, ont des projets de carrière et présentent moins de déviance comportementale.»

Le psychologue n’en croit pas moins que les parents doivent savoir faire preuve de fermeté. «Sans aller jusqu’aux punitions corporelles, il faut savoir punir si le jeune commet une bêtise, affirme-t-il. Les bons parents doivent être affectueux, établir des règles claires et être capables de réprimander si les règles ne sont pas respectées. Les enfants de parents trop tolérants décrochent du système scolaire et consomment davantage d’alcool et de drogues que les autres.»

«C’était le point de départ de notre étude: en éducation, il y a deux principes fondamentaux à respecter, soit répondre aux besoins affectifs de l’enfant et fixer des règles.»

De ce point de vue, les parents italiens seraient ceux qui répondent le mieux à ces principes, reconnaît le chercheur. Quant aux parents français et belges, ils se situent entre les deux modèles, c’est-à-dire qu’ils sont plus contrôlants que les parents québécois, mais moins affectueux que les parents italiens.

La recherche du bonheur

Michel Claes s’attaque au troisième volet de sa recherche en analysant cette fois les témoignages recueillis tant auprès des parents que des adolescents québécois, français et italiens. Ce volet, dont les données sont encore à l’étude, montre déjà que les propos des parents confirment ceux des jeunes: les parents italiens se montrent plus punitifs que les parents québécois.

Le chercheur ne croit toutefois pas que les Québécois soient trop mous. «Ce n’est pas une question de mollesse, soutient-il. Il s’agit plutôt d’un modèle lié à la modernité qui s’est imposé dans les années 50. Plus on est scolarisé, moins on est sévère.»

Si les parents québécois hésitent à punir, c’est que la philosophie dominante en éducation mise sur l’autonomie et le bonheur de l’enfant; cherchant ce bonheur, les parents sont réticents à punir l’enfant.

La tendance observée au Québec est probablement typique de l’ensemble de l’Amérique du Nord, où les valeurs culturelles sont plus individualistes alors que la culture latine fait une plus grande place au communautarisme, aux valeurs familiales et à l’entraide. C’est ce que le chercheur tentera de vérifier dans une prochaine phase en dirigeant ses travaux du côté de l’Ontario et des États-Unis.

Daniel Baril



 
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