Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 5 - numéro 1 - octobre 2005
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Architecture

Le Mile End est menacé par l’embourgeoisement

L'embourgeoisement frappe actuellement le quartier du Mile End à Montréal, provoquant le plus grand bouleversement dans ce secteur depuis un siècle. C’est du moins l’opinion de l’architecte Susan Bronson, professeure à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. Mme Bronson rédige actuellement une thèse de doctorat sur l’histoire et la conservation de ce quartier reconnu pour ses baguels, ses restaurants grecs et l’église de style byzantin Saint-Michael.

« Le quartier du Mile End vit une transformation profonde », signale-t-elle au cours d'une visite à pied de ce quadrilatère situé entre l'avenue du Mont-Royal au sud, l'avenue Van Horne au nord, la rue Hutchison à l’ouest et la rue Saint-Denis à l’est. La spécialiste de l’histoire urbaine rappelle que le Mile End, où l’écrivain Mordecai Richler a planté les décors de plusieurs romans (Le cavalier de Saint-Urbain, L’apprentissage de Duddy Kravitz, Rue Saint-Urbain), est d’abord caractérisé par la multiethnicité. Ici, on voit sur les façades l’influence des communautés juive, grecque, italienne et portugaise. Les Portugais affectionnent les tuiles céramiques d’inspiration religieuse près de leurs portes d’entrée ; on peut lire des inscriptions en hébreu sur la façade du Collège français (une ancienne synagogue), avenue Fairmount ; et les restaurants grecs de l’avenue du Parc attirent les regards avec leurs murs bleus et blancs.

Les habitants actuels du Mile End apprécient des endroits comme le Club social italien, rue Saint-Viateur, ou la Casa del Popolo, boulevard Saint-Laurent. Mais il devient de plus en plus couteux de s’y installer, qu’on soit propriétaire ou locataire. « À cause des nouveaux venus, jeunes professionnels fortunés, la valeur des propriétés a fait un bon prodigieux depuis quelques années », commente Mme Bronson. Le loyer mensuel pour un logement de quatre pièces est passés de 80 $ dans les années 60 à quelque 900 $ au moins en 2005. Certains loyers dépassent les 1500 $. De plus, on trouve de moins en moins d’appartements à louer puisqu’un bon nombre d’entre eux sont convertis en copropriétés.

Après avoir mis la main sur des documents datant du début du 20e siècle (photos, gravures, plans urbains et croquis d’architecture), la spécialiste a pu comparer l’ampleur des changements. À partir de 1901, le quartier, une petite bourgade nommée Saint-Louis, a connu une explosion démographique : sa population est passée de 11 000 à 37 000 habitants en 10 ans. En 1910, cette municipalité autonome est annexée par la Ville de Montréal sous le nom de quartier Laurier. Plusieurs des caractéristiques patrimoniales qu’on relève aujourd’hui datent de cette époque de construction intensive : le salon double si typique des logements montréalais, les escaliers extérieurs, les façades de pierre ou de brique.

D’où vient le nom de Mile End ? Les hypothèses sont nombreuses, mais personne ne le sait exactement. Selon Mme Bronson, il pourrait être inspiré d'une banlieue de Londres du même nom, qui se trouvait, à l’époque médiévale, à la fin du mille (Mile End) à l’extérieur de la City. Un riche propriétaire anglais, Stanley Bagg, aurait repris l’expression en 1815. Il parlait de sa taverne préférée, avenue du Mont-Royal, située à environ un mille de sa villa, près de la rue Sherbrooke : le Mile End Hotel.

Les années 60 et 70 ont correspondu à une période de diminution des investissements immobiliers dans le quartier. À cette époque, le vandalisme a augmenté. Cependant, depuis les années 80, la valeur des propriétés n’a pas cessé de croitre et, à partir des années 90, de plus en plus de maisons en rangée sont converties en copropriétés. Le quartier devient donc de moins en moins accessible aux résidants à faibles revenus. Avec des triplex qui valent facilement un demi-million de dollars, c’est une population plus fortunée qui s’y sent attirée.

 

Chercheuse :

Susan Bronson

Courriel :

susan.Bronson@sympatico.ca

Téléphone :

(514) 343-2453



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