Bulletin sur les recherches à l'Université de Montréal
 
Volume 6 - numÉro 1 - Septembre 2006
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Science politique

Une femme chef d’État ? Les électeurs sont prêts !

En politique, l’égalité entre les hommes et les femmes reste à faire, estime Isabelle Giraud, qui a soutenu le printemps dernier sa thèse de doctorat sur cette question au Département de science politique de l’Université de Montréal.

Bien qu’il n’y ait jamais eu en France de femme ministre des Finances (ce qui a été le cas au Québec), un important ministère traditionnellement masculin, celui de la Défense, est actuellement dirigé par Michèle Alliot-Marie, du Rassemblement pour la République. Selon Isabelle Giraud, « les Français ont évolué, mais pas les politiciens. Il existe aujourd’hui un fossé énorme entre la classe politique et la population française. » En France comme au Québec, la représentation féminine au gouvernement atteint péniblement les 30 %. Au Québec, les partis politiques restent attentifs au militantisme des femmes. Cependant, aucune femme n’a encore accédé au poste de premier ministre, et seulement 3 députés sur 10 sont des femmes. On est loin de la parité, même si le Québec est le seul endroit en Occident où elle se soit faite sans qu’on ait eu besoin de légiférer.

Une candidate du Parti socialiste à la présidence de la République française, Ségolène Royal, a obtenu 32 % des intentions de vote auprès des Français selon un sondage TNS Sofres/Unilog le 20 juin dernier. Ce score la place en tête des présidentiables. Mais ses principales difficultés émaneront de ses propres rangs. Au Parti socialiste, au moins huit politiciens (dont son mari, François Hollande, premier secrétaire du Parti) ont envisagé de poser leur candidature, ce qui nuirait à celle de Mme Royal par l’éparpillement des votes militants. « Ce sont les politiciens qui font de la résistance ; le peuple, lui, semble prêt », remarque Mme Giraud.

Une cinquantaine d’entrevues, menées auprès de spécialistes de la cause féministe de part et d’autre de l’Atlantique, ont été nécessaires pour réaliser cette recherche de plus de 600 pages. Une mise en perspective s’imposait d’emblée : « Bien que la situation ne soit guère satisfaisante, il faut savoir qu’en 1960 les femmes étaient exclues du monde politique, les régimes traditionalistes français et québécois niant la question de la citoyenneté des femmes et la reconnaissance des droits reproductifs », dit Isabelle Giraud.

Le projet de comparaison France-Québec aux cycles supérieurs a vu le jour en 1998, alors que les deux gouvernements s’engageaient dans deux politiques radicalement différentes de féminisation des assemblées élues. « Le gouvernement Jospin, en France, proposait une réforme de la parité et celui du Québec annonçait le financement d’un programme de formation des femmes à la politique », explique-t-elle au cours d’un entretien téléphonique depuis la France, où elle est retournée s’installer après ses études. Son doctorat a d’ailleurs été réalisé en cotutelle avec Jane Jenson, de l’Université de Montréal, et Armelle Le Bras-Chopard, de l’Université de Versailles–Saint-Quentin-en-Yvelines. Dans les années 70, la revendication du droit à l’avortement permet aux femmes de se structurer. « À cette époque-là, seulement 10 % de femmes sont au Parti socialiste, aucune dans les autres partis, observe Isabelle Giraud. Et le stéréotype de la femme moderne qui travaille tout en gardant les attributs classiques de la mère de famille perdure. » Au Québec, en revanche, le féminisme s’institutionnalise dès 1973 avec la création du Conseil du statut de la femme. Avec l’arrivée du Parti québécois au pouvoir, les luttes féministes acquièrent leur légitimité. En effet, s’il n’existe pas de ministère québécois de la Condition féminine, le fait que des femmes siègent à diverses fonctions dans les secrétariats et les ministères leur permet de se faire entendre sur les questions débattues. En France, les choses bougent plus lentement. Pourtant, le militantisme féministe français prend de l’ampleur : en 1974, la loi sur l’avortement est adoptée, certains droits sont accordés, mais sans se soucier de leur application sur le terrain. « C’est le temps de la bonne conscience », souligne Isabelle Giraud.

Malgré ces bouleversements, la situation évolue peu à peu : en 1988, 18 % de Québécoises font de la politique active alors que les Françaises en sont pour ainsi dire absentes.

 

Chercheuse :

Isabelle Giraud

Courriel :

isabelle.giraud@ses.unige.ch

Directrice :

Jane Jenson, jane.jenson@umontreal.ca, 514 343-2079



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